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Loppsi : les arrêtés anti-supporters validés

Loppsi : arrêtés anti-supporters jugés constitutionnels

vendredi 11 mars 2011, par Vivien B.

Loppsi : arrêtés anti-supporters jugés constitutionnels

Jeudi 10 mars 2011, le conseil constitutionnel a rendu sa décision au sujet du projet de loi Loppsi 2. Plusieurs groupes parlementaires de l’opposition avaient demandé un « contrôle de constitutionnalité des normes ». S’il a censuré 13 des 142 articles du projet de loi, le conseil constitutionnel a en revanche validé toutes les dispositions concernant les supporters.

Mise à jour le 11 mars 2011 à 9h30 : ajout du « commentaire aux Cahiers »

Ce jeudi 10 mars, le conseil constitutionnel a censuré 13 des 142 articles de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2). « C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’autant d’articles d’une loi sont censurés », indique Le Monde. En ce qui concerne les dispositions anti-supporters, en revanche, le conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire.

Possibilité donnée au ministère de l’Intérieur d’« interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel » — de tels arrêtés avaient déjà été pris cette saison lors des matches du PSG, avant que la loi ne soit votée… —, de « restreindre la liberté d’aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel » ou encore d’interdire à toute personne ayant appartenu « à une association ou un groupement de fait ayant fait l’objet d’une dissolution » ou ayant participé « aux activités qu’une association ayant fait l’objet d’une suspension d’activité s’est vue interdire de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où [des manifestations sportives] se déroulent ou sont retransmises en public » ; renforcement des interdictions de stade administratives — prolongées à 12 mois, 24 en cas de récidive — ; obligation de pointer au commissariat étendue aux rencontres disputées à l’étranger : toutes les dispositions de l’arsenal répressif envers les supporters (voir ce que prévoit la nouvelle loi) sont désormais intégrées dans le code du sport.

La décision du conseil constitutionnel

Plusieurs groupes parlementaires de l’opposition avaient demandé la censure de 2 des 6 articles concernant les supporters : les interdictions de déplacement, et les restrictions de circulation (voir les explications)

D’une part le conseil constitutionnel a décidé de ne pas se saisir des 4 autres articles concernant les supporters, d’autre part il a jugé « conformes à la Constitution » les deux articles contestés. Le communiqué de presse résume ainsi sa vision des dispositions controversées :

Les articles 60 et 61 sont relatifs aux interdictions de déplacement individuel ou collectif de supporters lors d’une manifestation sportive. Les décisions ministérielle ou préfectorale, soumises au contrôle du juge administratif, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et de venir. Ces articles sont conformes à la Constitution.

La décision de l’institution présidée par Jean-Louis Debré est ainsi justifiée :

Considérant que, d’une part, l’article 60 de la loi déférée insère dans le code du sport un article L. 332-16-1 ; qu’il permet au ministre de l’intérieur d’« interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public » ; que, d’autre part, son article 61 insère dans le même code un article L. 332 16 2 ; qu’il autorise les préfets de département à « restreindre la liberté d’aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public » ; que ces mêmes articles disposent que l’arrêté du ministre ou du préfet énonce la durée de la mesure, les circonstances précises de fait qui la motivent, ainsi que son champ territorial ; qu’ils prévoient des peines d’emprisonnement, d’amende et d’interdiction judiciaire de stade en cas d’infraction à ces arrêtés ;

Considérant que les requérants font grief aux dispositions en cause de porter atteinte à la liberté d’aller et venir et de ne pas suffisamment encadrer les pouvoirs de police administrative conférés au ministre de l’intérieur et aux préfets ;

Considérant que les dispositions contestées renforcent les pouvoirs de police administrative en cas de grands rassemblements de personnes, à l’occasion d’une manifestation sportive, qui sont susceptibles d’entraîner des troubles graves pour l’ordre public ; qu’il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de définir, à partir de critères objectifs et avec précision, les personnes ou catégories de personnes faisant l’objet des mesures de restriction de déplacement ; que ces mesures doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir ; qu’elles peuvent être contestées par les intéressés devant le juge administratif, notamment dans le cadre d’un référé-liberté ; qu’eu égard aux objectifs que s’est assignés le législateur et à l’ensemble des garanties qu’il a prévues, les dispositions contestées sont propres à assurer, entre le respect de la liberté d’aller et venir et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée ;

[…]

Sont déclarées conformes à la Constitution […] les articles 60 et 61.

Dans le « commentaire aux Cahiers », le conseil constitutionnel précise les raisons qui l’ont amené à juger ces articles conformes à la Constitution :

Les requérants faisaient grief aux dispositions en cause de porter atteinte à la liberté d’aller et venir et de ne pas suffisamment encadrer les pouvoirs de police administrative conférés au ministre de l’intérieur et aux préfets.

Pour déclarer conforme à la Constitution ce dispositif, susceptible de restreindre la liberté d’aller et venir de façon importante, le conseil constitutionnel a pris en compte les atteintes portées à l’ordre public par certains individus à l’occasion de manifestations sportives (phénomène du hooliganisme) et rappelé les garanties applicables en matière de police administrative. Ces garanties sont d’autant plus nécessaires en l’espèce que le non-respect des mesures décidées constitue un délit :

– Il appartient, tout d’abord, à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de définir, à partir de critères objectifs et avec précision, les personnes ou catégories de personnes faisant l’objet des mesures de restriction de déplacement. Si la désignation n’est pas nominative, elle ne doit pas laisser de doute sur les personnes visées par la mesure d’interdiction de déplacement.

– Les mesures doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir. Il s’agit là de l’encadrement traditionnel des mesures de police qui trouve son fondement dans la jurisprudence Benjamin du conseil d’État [1] et qui a été réaffirmé par le conseil constitutionnel [2].

Ces mesures peuvent être contestées par les intéressés devant le juge administratif, notamment dans le cadre du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » La liberté d’aller et venir constitue en effet une liberté fondamentale au sens de ces dispositions [3].

Compte tenu de ces garanties, qui sont placées sous le contrôle du juge administratif mais aussi du juge judiciaire statuant au pénal, le conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées étaient propres à assurer, entre le respect de la liberté d’aller et venir et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée.

Les argumentaires du gouvernement et de l’opposition

Les observations du gouvernement

Suite à la saisine des parlementaires de l’opposition, le gouvernement avait adressé au conseil constitutionnel ses observations :

Les auteurs des saisines font grief [aux articles 60 et 61] d’être imprécis alors que la méconnaissance des actes pris sur leur fondement est susceptible de sanctions pénales et d’opérer une conciliation déséquilibrée entre la protection de la liberté d’aller et venir et les exigences tenant à la protection de l’ordre public.

Ces griefs pourront être écartés.

1/ Sur la définition du champ des mesures en cause.
Les auteurs des saisines font grief à la loi de ne pas définir avec une précision suffisante les personnes susceptibles d’être concernées par les mesures d’interdiction. Ils critiquent en particulier la notion de « personnes se comportant comme » des supporters.
Les articles n’ont toutefois pas pour objet d’attraire dans le champ des mesures de police toute personne qui soutient de près ou de loin un club sportif indépendamment de son comportement.
La notion de personnes « se comportant comme » des supporters permet simplement d’inclure matériellement dans le champ potentiel de l’interdiction non seulement les personnes qui revendiquent la qualité de supporter mais aussi celles dont les vêtements ou les accessoires révèlent cette même qualité.
Mais le pouvoir de police ne pourra être mis en œuvre que si un risque de trouble à l’ordre public est par ailleurs susceptible de se produire, non seulement aux abords des stades mais aussi dans les gares, dans les trains et sur les aires d’autoroute.
Le gouvernement indique par ailleurs que la peine complémentaire d’un an d’interdiction de stade que le législateur impose de prononcer obligatoirement en cas de condamnation des personnes méconnaissant le champ des arrêtés pris à leur encontre est conforme aux exigences constitutionnelles en la matière, telles qu’elles résultent notamment des décisions n°2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 et 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010.
La peine se trouve en effet en lien avec l’infraction principale, elle doit être expressément prononcée par le juge et celui-ci peut en dispenser la personne condamnée, ce qui représente un a fortiori par rapport à l’exigence selon laquelle le juge doit être en mesure de faire varier le quantum de la peine complémentaire.

2/ Sur la conciliation entre la liberté d’aller et venir et les exigences tendant à la protection de l’ordre public.
Les mesures dont l’édiction est autorisée par les articles 60 et 61 de la loi déférée constituent des mesures de police administrative dont l’objet même est de prévenir les troubles à l’ordre public.
Le législateur a par ailleurs prévu une série de limitations de nature à garantir la proportionnalité de ces dernières à l’objectif poursuivi. Les deux types de mesure doivent être strictement limités dans le temps et dans l’espace et énoncer précisément les circonstances particulières qui les justifient. Les mesures prises feront l’objet d’une large publicité par voie d’affichage et de communication dans les médias et seront soumises au contrôle d’adéquation du juge administratif, statuant y compris en la forme des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
C’est ainsi en exerçant pleinement sa compétence et sans méconnaître aucune autre exigence constitutionnelle que le législateur a pu adopter les articles 60 et 61 de la loi déférée.

Le mémoire en réplique de l’opposition

Les groupes parlementaires à l’origine de la saisine avaient à leur tour adressé au conseil constitutionnel un mémoire en réplique :

Les explications du gouvernement concernant la notion de personnes « se comportant » comme des supporters rajoutent le trouble à la confusion. Il indique ainsi que cela permettra « d’inclure matériellement dans le champ potentiel de l’interdiction non seulement les personnes qui revendiquent la qualité de supporters mais aussi celles dont les vêtements ou les accessoires révèlent cette même qualité ». Or, tout comme il y a 1 000 façons de manifester son soutien à une équipe, il y a 1 000 indices qui peuvent donner le sentiment qu’une personne se comporte comme si elle était supporter.

Rien dans les observations du gouvernement ne donne à cette notion une définition suffisamment circonscrite pour prévenir l’arbitraire dans l’exercice de ces nouvelles prérogatives de police administrative.

Le gouvernement est d’ailleurs à ce point mal à l’aise avec ce dispositif qu’il se sent obligé d’évoquer la conformité à la constitution d’un aspect de la disposition que les requérants n’avaient même pas mis en cause.

Quant au fait d’avoir laissé à la seule discrétion du ministre de l’Intérieur et des préfets le soin d’encadrer l’exercice de leur propre pouvoir, le gouvernement n’en dit mot.

Notes

[1] Conseil d’État, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. Leb. p. 541.

[2] Décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010, M. Orient O. et autre (Gens du voyage), cons. 3.

[3] Conseil d’État, ordonnance du juge des référés (Mme Aubin), 9 janvier 2001 Deperthes, n° 228928, Rec. Leb. p.1.

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3 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1

    Stéphane
    11 mars 2011 08:52

    Sympa de nous donner des extraits de ce très bon livre "1984…

  • #2

    commentateur anonyme
    13 mars 2011 13:21

    Je ne suis pas contre le plan Tous PSG, mais je dois reconnaître que la direction du club a commis une erreur, à savoir celle de pouvoir réserver sa place avec 3 accompagnateurs maximum. Je pense qu’ils auraient du autoriser les groupes de 10 pers. maxi. Mais, et là ce n’est pas de la faute du PSG mais des pouvoirs publiques, le pire est l’interdiction de stade pour TOUS les supporters du PSG pour les matchs à l’extèrieur. On est quand même en droit de se demander comment le conseil constitutionnel peut ne pas censurer la possibilité d’“interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel” ou celle de "restreindre la liberté d’aller et de venir des personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel", et d’autres choses encore. En effet, si, dans l’Union Européenne, "certaines conditions pourront être appliquées afin de restreindre la liberté de circulation des travailleurs", "ces restrictions ne concernent que la liberté de circulation en relation avec une prise de fonctions professionnelles". Or, jusqu’à preuve du contraire, aller voir un match de foot n’a rien avoir avec le travail…

  • #3

    titifoso
    13 mars 2011 19:35

    On se torche le cul avec les libertés et personne ne trouve rien à y redire ?!?
    Vive la France !!!

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