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L’histoire du PSG de Canal+ par Canal+

Les 40 ans du PSG vus par Canal+

Retour sur le documentaire diffusé dimanche soir sur la chaîne cryptée

mercredi 12 mai 2010, par Gauthier B.

Les 40 ans du PSG vus par Canal+

Ce dimanche, Canal+ a diffusé un documentaire intitulé « 40 ans de fièvre au PSG ». Présenté en grandes pompes, supposé retracer la grande histoire du club de la capitale, ce film devait être une immense source de satisfaction pour tous les amoureux du PSG. L’image donnée du club de la capitale correspond-elle pleinement à la réalité ?

Cet été, le Paris SG célèbrera officiellement ses quarante ans. À cette occasion, Canal+ a diffusé un documentaire récapitulant l’histoire du club parisien depuis 1970. En tout cas, c’était l’idée…

Résumé du documentaire

Le film commence en 1974 — il aurait dû donc s’intituler « 36 ans de fièvre »… — par le match de la montée en D1 contre VA, avec quelques interventions de Just Fontaine et Daniel Hechter. Mustapha Dahleb est ensuite mentionné une demi-seconde, avant de passer directement à l’affaire de la double billetterie, la fin du mandat de Hechter et une présentation de Francis Borelli. Il s’en suit un résumé du premier trophée parisien — la coupe de France 1982 —, avec les interventions de Rocheteau et du fils de Francis Borelli, puis l’on fait un bond jusqu’à 1986. Pour parler du titre ? Non, pour évoquer exclusivement Luis Fernandez, en le présentant grosso modo comme un bovin détesté hors de la capitale. Houllier et Fernandez sont les témoins interrogés. Safet Susic a ensuite droit à sa petite minute de gestes techniques, et l’on arrive directement au cœur du sujet : le PSG sous Canal+. 20 ans d’histoire ont donc été évoqués en une vingtaine de minutes…

Denisot, Bravo, Raí, Roche, Kombouaré, Ginola, Lama, Youri Djorkaëff, Luis Fernandez et Thierry Roland [1] évoqueront donc les années 1990. Toutes les années 1990 ? Non. L’accent sera mis sur le match PSG-Real Madrid de 1993 — exactement de la même façon que lorsque Canal+ avait évoqué les plus grandes matches diffusés sur son antenne —, puis sur David Ginola et George Weah.

Commence ensuite la deuxième partie de la mise à mort de Luis Fernandez lors d’une séquence évoquant la perte du titre en 1996, avec des propos à charge contre l’entraîneur d’alors, puis un long passage pour parler de l’arrivée de Yannick Noah la veille de la finale, et de tous ses bienfaits. Raí est ensuite logiquement mis en avant, au travers de ses débuts difficiles, de son comportement exemplaire, du match PSG-Bucarest et enfin de ses adieux.

Une astucieuse ellipse nous emmène alors directement en 2003 pour… dire du mal de Luis Fernandez. Il est ici fait état du conflit qui l’opposait à Ronaldinho, soutenu par le président du PSG de l’époque, Laurent Perpère. Les trois protagonistes ont leur temps de parole, le tout au service d’un montage que l’on qualifiera pudiquement d’orienté. On passe ensuite à Pauleta, en montrant quelques buts, le match du maintien face à Sochaux, puis on évoque le plus succinctement du monde les récents problèmes de supporters, un ajout à la va-vite de la dernière finale de coupe de France, et voilà. L’histoire du PSG est pliée.

Luis est méchant, round 1

Le novice du PSG qui verra ce documentaire censé retracer l’histoire du club n’aura alors aucune connaissance de l’existence même de Carlos Bianchi, Georges Peyroche, Artur Jorge, Ricardo, Joël Bats ou Vincent Guérin, et n’aura entendu les noms de Dogliani, Mpelé, Pilorget, Baratelli, Bathenay, Le Guen ou Valdo que par le biais des commentaires de matches d’époque… La place des toutes ces personnes au sein du PSG restera donc un mystère pour le néophyte.

Bien sûr, un reportage d’1h30 implique forcément des choix, et des pans de l’histoire peuvent clairement passer à la trappe. Néanmoins, ceux opérés ici sont plus que suspects. Les intervenants qui ont connu la période post-Canal+ se comptent sur les doigts d’une main. À croire que le réalisateur voulait aller au plus vite à la période dite faste, quitte à survoler voire ignorer des personnages importants. Dont la plupart n’auraient pourtant pas été bien durs à contacter, et se seraient certainement exprimé avec plaisir. En ce sens, la demi-seconde où l’on aperçoit Dahleb jongler est presque insultante. Ne parler de 1986 que pour évoquer le cas Luis Fernandez, et non l’impressionnant titre de champion — après une série de 26 matches sans défaite —, l’est tout autant.

Et puis arrive Canal+. Il n’est nullement question de parler de la fin de la présidence de Francis Borelli et de son départ précipité par le nouvel actionnaire, le reportage précise simplement que, dès l’arrivée de la chaîne cryptée, les paillettes sont là — le tout avec des belles images de danseuses brésiliennes ne datant probablement pas de 1991. Sauf que le PSG avait d’abord construit sa base avec une armée de joueurs talentueux, intelligents et surtout besogneux avant que les stars ne jaillissent… Bref, le reportage nous vend que Canal+ a fait du PSG un club formidable immédiatement… En dehors des focus sympathiques, mais pas réellement novateurs, sur Raí, Pauleta et deux matches importants, le film prend le parti de décrire deux points de conflit — dans une période où les anecdotes, positives comme négatives, sont nombreuses. Une fois de plus, il faut bien faire des choix et mettre l’accent sur certains aspects. Mais le hasard faisant bien les choses, les deux conflits mis en exergue ne mettent en cause que Luis Fernandez.

Et là, le film n’est plus seulement incomplet ou ressassé, il est purement malhonnête. Tous les commentaires se dirigent vers l’entraîneur parisien, mettant en avant tous ses défauts et ses échecs, sans jamais parler de ses qualités et réussites. Pire encore, les intervenants ayant voulu atténuer le propos ont été coupés au montage — c’est le cas de Daniel Bravo, qui avait imputé la perte du titre aux joueurs. Ainsi, seule la paranoïa de Fernandez a coûté la victoire finale en première division et, pire encore, le reportage présente quasiment Yannick Noah comme le seul responsable de la victoire finale d’un PSG aux abois — qui s’était pourtant bien hissé jusque-là sans lui. L’impression donnée est que la finale s’est gagnée malgré Fernandez.

D’ailleurs, lorsque Youri Djorkaëff parle du PSG 1995/1996 comme de l’équipe qui jouait le mieux dans l’histoire du club, aucun mérite ne semble être attribué à Luis. Sur les images de la finale, il n’est nullement fait mention du fait que Luis a exhorté Ngotty à tirer lui-même le coup franc victorieux. Fernandez est juste présenté comme le jeune plouc qui s’est mis à dos les joueurs… et qui a fait perdre le titre à son équipe. D’après le Parisien, Canal+ prévoit de transposer le concept à d’autres clubs. La question est la suivante : dans les documentaires sur Monaco et Bordeaux, Deschamps et Blanc seront-ils autant critiqués pour leurs dégringolades de 2004 et 2010 ?

Luis n’est pas un proxénète, honte à lui !

Et rebelote sur la partie concernant Ronaldinho. Le montage ne présente Luis que comme le tortionnaire qui ne faisait pas jouer le Brésilien, certainement par pur plaisir. D’ailleurs, la narration de l’histoire commence fin 2002. Un voile pudique a été jeté sur l’année précédente, quand Fernandez a récupéré un joueur inadapté au football européen pour en faire un cador de la sélection brésilienne — Scolari avait d’ailleurs félicité personnellement Fernandez pour le travail accompli avec le Brésilien. Non, le reportage ne commence à raconter l’histoire que… lorsque cela commence à chauffer entre les deux hommes. Et la présentation des faits est tout simplement alarmante.

Ronaldinho fait monter une prostituée dans sa chambre pour une mise au vert ? À l’heure où l’affaire Zahia fait trembler l’équipe de France, le reportage décrit ce fait comme quelque chose de banal, et même Perpère trouve qu’il aurait été bon de fermer les yeux sur le sujet. Dans un de ses ouvrages, Fernandez évoque que ce sont certains coéquipiers qui sont venus se plaindre à lui, car ils ne voulaient pas que leurs épouses croient que les mises au vert pouvaient s’assimiler à des partouzes… Mais ça, le reportage n’en parle pas.

De même, il est annoncé laconiquement que dès janvier, à son retour de vacances du Brésil, Ronaldinho est sur le banc. En oubliant de préciser que son retour de vacances s’est fait avec une semaine de retard — le numéro 10 dansait encore à Rio quand le PSG a repris la compétition —, et qu’il avait subi là-bas une opération dentaire contre l’avis des médecins du club… Mais Ronaldinho reste présenté comme le pauvre footballeur brimé. La voix off, très discrète pendant tout le reportage, prend même la liberté d’intervenir avec cette opposition incroyable : « Fernandez fait le show, mais c’est Ronaldinho que le Parc applaudit. » Choisissez votre camp !

Hommage au cinéma russe des années 1920

Bilan ? Luis prend pour tout le monde à trois reprises dans le reportage, sans que d’autres événements ne soient réellement relatés. Pourquoi un tel choix et un tel acharnement ? La réponse peut se trouver au niveau de la production du documentaire. Canal+ a participé à sa conception — Cyril Linette figure parmi les crédits au titre de son poste de directeur des sports de la chaîne cryptée —, et en est surtout le diffuseur. En conséquence, il fallait bien parler de sujets qui ne mouillaient pas trop la quatrième chaîne. Tout concentrer sur Luis Fernandez — qui a toujours été en conflit avec l’actionnaire lorsqu’il était entraîneur — était la solution évidente. Le reportage zappe donc un grand nombre d’événements qui ont fait la grandeur du Paris SG :
- la finale de la coupe de France 1983, qualifiée généralement de plus belle finale de l’histoire ;
- le titre de champion de France 1994, qui aurait nécessité de parler d’Artur Jorge et d’expliquer son renvoi, instamment demandé par le directeur des sports de Canal+ ;
- la superbe campagne de Ligue des Champions 1994/1995 — les huit victoires consécutives, un record, et la victoire en quarts face à Barcelone —, qui aurait permis — sacrilège ! — de rappeler que Luis Fernandez a aussi réussi des choses à Paris…
- la finale avant l’heure face à Parme, en quarts de finale de la C2 1996 ;
- plus généralement, la série de cinq demi-finales européennes d’affilée — le reportage en annonce trois, entre 1993 et 1995, et n’évoque pas le parcours en coupe des coupes 1997 — qui avait porté le PSG à la tête du classement des clubs européens de l’UEFA ;
- la coupe de France 2006 remportée face à l’OM, dans la foulée des huit victoires consécutives.

D’autres épisodes, moins glorieux mais également déterminants, sont également passés sous silence :
- la nomination à la présidence de Charles Biétry, qui met le club à sac en quelques mois ;
- la campagne de recrutement délirante et onéreuse orchestrée par Perpère et Lescure en 2000, dont le PSG ne s’est jamais remis, le club restant criblé de dettes jusqu’à sa revente en 2006 ;
- les recrutements de 1998 à 2003, pour lesquels dix-huit mois de prison avec sursis et 40 000 € d’amende ont été requis contre Laurent Perpère, ancien directeur général de Canal+ ;
- l’auto-sabordage de Pierre Blayau, qui vire l’entraîneur d’un PSG en convalescence pour lui replonger la tête sous l’eau.

Tous ces sujets ont été occultés, car ils auraient finalement mis en cause ce qu’a fait la chaîne cryptée. C’est aussi simple que cela. Mieux valait tout mettre sur le dos du benêt Luis Fernandez, déjà à moitié détesté par les supporters, et faire du « populisme », pour reprendre les termes de Perpère, en montrant le sourire de Ronaldinho… Parmi les supporters parisiens qui ont connu les périodes 1994-1996 et 2001-2003, même ceux qui ne supportent plus l’animateur radio reconnaissent que le reportage est à charge envers le natif de Tarifa. Pour un documentaire historique, s’adressant aux plus jeunes comme aux moins avertis, un tel biais est clairement regrettable.

Qu’obtient-on au final ? Un reportage qui ne retrace pas l’histoire du club, qui fait appel à des intervenants pour entendre des banalités et surtout qui sert d’outil de propagande pour la chaîne cryptée dans ce qui n’est qu’une réécriture de l’histoire. Le tout agrémenté d’images que l’on trouve facilement sur le site de l’Ina ou sur Youtube… Ou alors de belles illustrations : le documentariste a poussé sa caméra jusque sur la N118 ou sur le périphérique, pour un gros travail d’investigation. Ah, et puis il est allé au stade, lors du dernier PSG-Lens, pour filmer les virages en train de chanter…

Malgré tout, ce film reste flatteur. Il montre parfois des moments joyeux du club, et les supporters parisiens apercevront des visages qu’il est toujours bon de revoir. Mais il faut bien garder en tête que le PSG, ce n’est pas ça. La postérité du club parisien ne peut pas passer par des films comme celui-ci. Si vous souhaitez en savoir plus sur le PSG, un nombre incalculable de livres ont été publiés à son sujet : lisez l’indispensable Thierry Berthou, consultez les travaux de Daniel Riolo, regardez le film sur les 30 ans du club réalisé en 2000, procurez-vous les vieilles VHS Euro PSG ou surfez sur les sites de partage de vidéos, vous en apprendrez bien plus.

Le film se termine en disant que l’histoire du PSG doit continuer. Il faudrait d’abord commencer par la raconter correctement…

Notes

[1] Le temps pour le commentateur de glisser que le PSG est n’est pas un club professionnel. D’accord, mais un journaliste qui ne voit pas les buts du match qu’il commente, on appelle ça comment ?

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4 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1

    psgman
    12 mai 2010 21:31

    Bonjour aux lecteurs de cette article, je suis tout à fait d’accord avec cette critique. Les plus beaux moments ont été oublier ! Reportez-vous plutôt au dvd "les 30 ans du psg en vhs" ou au spécialiste daniel riolo "l’histoire de PSG"
    Vraiment décevant ce reportage.

  • #2

    srab94
    13 mai 2010 02:37

    100% d’accord !! Je me suis fait la reflexion sur Bianchi dès le début du reportage, quant à l’analyse des erreurs de 1996 (perte du titre) et de 2003 (ronnie sur le banc) elle m’ont paru immédiatement erronée et à charge contre Luis…Puis c’est clair que ne pas parler de la C1 de 1995 est un sacré manque dans le documentaire. Cela dis en ces temps de disette, j’ai quand même trouvé que diffuser un tel documentaire, même médiocre, sur le PSG conduit à redorer l’image du club. Car on oublie trop souvent que ce club, en peu de temps, a su réaliser ce que d’autres en 100 ans d’existence n’ont jamais fait, c’est à dire gagner une coupe d’Europe, 8 coupes de France et 2 championnat. Mieux, il reste indissociable de joueurs au talent immense tels que Fontaine, Fernandez, Dalheb, Susic, Bianchi, Peyroche, Rocheteau, Rai, Weah, Ginola, Valdo, Pauleta, Ronaldinho etc etc, je peux même pas tous les citer. Enfin une chose est à souligner, je crois que ce reportage intervient à la croisée des chemins pour le PSG, ce qui est fait n’est plus à faire, tout les intervenants appartiennent désormais au passé (y compris Fernandez). Maintenant ce qui m’interesse et ce qui m’inquiète c’est la suite….

  • #3

    G
    25 février 2011 16:27

    et bien moi j’ai particulièrement kiffé ce reportage que j’ai revu hier. Habituellement ce genre de reportage est uniquement à la gloire du club et se contente de montrer les plus beaux buts de l’équipe depuis sa création. Certes, l’auteur a fait des choix et on pourra toujours les contester mais en 1h30 on pouvait difficilement faire plus. On voit bien l’évolution du football depuis l’ère des semi pros jusqu’au côté stars, business et merchandising d’aujourd’hui. Je connaissais peu Hechter et Borelli (incroyable ce type !), les scènes avec les supporters sont superbes, on n’occulte pas les problèmes du club et on sent que le type qui a fait ça est un gros fan de paname.

    J’ai l’impression que Gaultier B est un grand fan de Fernandez et que c’est surtout pour cela qu’il n’a pas aimé le reportage (les 2/3 de l’article ne parlent que de ça). Pour ma part je rejoins plutôt l’avis du documentaire : sa gestion de Ronaldinho a été désastreuse, perdre un championnat quand on a 12 points d’avance c’est une faute professionnelle.

    ce type est loin d’être une flèche, il n’a jamais entrainé de grand club et j’aimerais bien savoir s’il est déjà resté en poste plus de 2 ans quelque part (Bilbao ?) sans se faire virer !

    G de Carteret

  • #4

    Gauthier B.
    25 février 2011 16:50

    Bonjour G. de Carteret

    J’ai l’impression que Gaultier B est un grand fan de Fernandez et que c’est surtout pour cela qu’il n’a pas aimé le reportage (les 2/3 de l’article ne parlent que de ça).

    Si les 2/3 de l’article ne parlent que de ça, c’est aussi parce que les 2/3 du reportage ne parlent que de ça. On peut penser ce que l’on veut de Luis, à la rigueur ce n’est même pas le débat, mais on pourrait attendre d’un documentaire qu’il essaye de rester objectif, ou au moins, qu’il laisse place à la contradiction. Là tout, du montage à la voix-off, aux coupures des divers protagonistes — Bravo a dit que les joueurs avaient leur part de responsabilité dans le léger déclin de 96, mais cette phrase n’a pas été gardée —, tout est fait pour que Luis Fernandez en ressorte sali, et que les erreurs/affaires provoquées par Canal+ ne soient pas mentionnées.

    Ce documentaire ne retrace absolument pas l’histoire du club, mais fait au mieux quelques zooms sur certains passages, pas forcément des plus pertinents, et ce de façon non-objective. Tu es content d’avoir vu un peu d’Hechter et de Borelli, je déplore pour ma part que cette période-là ne représente que 20 minutes dans tout le reportage.

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