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Interview de Bergeroo : la formation (4/4)

Les jeunes du PSG vus par Philippe Bergeroo

samedi 16 avril 2011, par Gauthier B., Vivien B.

Les jeunes du PSG vus par Philippe Bergeroo

Durant plus de deux heures, Philippe Bergeroo nous a reçus à Clairefontaine, où il est désormais sélectionneur national des moins de 19 ans — après avoir été champion d’Europe avec les U17 en 2004 — et formateur des entraîneurs. Le natif de Ciboure (Pays-basque) a répondu à toutes nos questions sur son parcours au PSG — depuis son arrivée en 1998 en tant qu’adjoint d’Alain Giresse jusqu’à son départ au soir du match perdu à Sedan (5-1) —, ses relations avec les joueurs, les journalistes ou encore les supporters parisiens. Un entretien garanti sans langue de bois, et riche en anecdotes savoureuses. Quatrième partie : les U19 du PSG, la formation en France ; son avenir.

Interview réalisée mercredi 6 avril 2011.

Kamghain, Kebano, Landre et la formation du PSG

Cette saison, vous êtes sélectionneur de l’équipe de France des moins de 19 ans. Pouvez-vous nous la présenter en quelques mots ?
J’ai une promotion moyenne, où il n’y a pas vraiment de joueur de très haut niveau, mais j’ai un très, très bon état d’esprit. J’ai réussi à monter une bonne équipe, qui joue bien au ballon — avec ses limites —, mais qui est capable d’aller gagner au Portugal [2-0 face à l’Angleterre, en février 2009], de réaliser des choses exceptionnelles… et aussi de faire des matches nuls contre les îles Canaries [2-2 en janvier 2010].

Trois Parisiens font partie de cette sélection à l’heure actuelle : Jimmy Kamghain, Loïck Landre et Neeskens Kebano. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ces trois joueurs ?
Jimmy Kamghain, humainement déjà, il est exceptionnel. Il joue sur le côté, c’est un joueur qui a une bonne qualité de percussion balle au pied. Mais il n’est pas constant. Face à l’Uruguay [en décembre 2008], il fait un match catastrophique ; le match suivant je le fais rentrer à un quart d’heure de la fin, il met trois buts. C’est Jimmy ! (sourires) Il a du talent, il ne faut pas lui parler trop de tactique : « Offensivement tu fais ce que tu veux ; défensivement, quand le latéral monte, c’est toi qui le couvre. » Mais il revient tout juste de blessure [1]. Je l’ai pris le mois dernier pour affronter les Suisses, j’essaie de le faire rentrer sur certains matches, mais je fais très attention. J’espère le récupérer pour le tour Élite [fin mai]. C’est un peu juste, il me reste un mois.

Neeskens Kebano ?
Le petit lézard ! (sourires) Il est surnommé comme cela. Neeskens, c’est un gamin doué techniquement comme j’ai rarement vu, mais qui n’avait que le jeu dans la tête : les roulettes, les gestes comme cela. Et là, depuis un an, il a terriblement changé ; il est devenu très, très efficace. Mais des fois il retombe dans son pêché mignon. Contre les Pays-Bas [en février 2011], il vient défendre, et en revenant il tente le petit pont sur l’attaquant qui vient le presser dans nos dix-huit mètres. Je ne veux pas voir ce genre de choses. Mais il a un talent énorme. Moi je le fais jouer sur le côté parce que je n’ai pas les joueurs qu’il faut, mais son poste c’est derrière l’attaquant, entre les deux lignes : capable d’éliminer, avec une belle frappe. Je pense qu’il a pris du volume. Et puis c’est un gamin d’une politesse, d’une correction… Tu peux le bouger dans le vestiaire, pas un mot.

Loïck Landre ?
Je viens de le découvrir, il y a deux ou trois mois. Je l’ai pris contre la Suisse [en mars 2011]. C’était sa première sélection, et je ne fais jamais jouer les joueurs lors de leur première — en plus là c’était un match très difficile, face aux champions du monde en titre. Je lui ai demandé de bien regarder. Nous allons au Portugal la semaine prochaine pour un tournoi, il va jouer. J’ai des joueurs derrière qui sont athlétiques mais qui ont une qualité de passe assez moyenne, donc il va avoir sa chance. À lui de la prendre. Je sais que c’est un bon joueur, qu’il a un bon état d’esprit, parce que j’ai souvent Bertrand Reuzeau [le directeur du centre de formation du PSG] au téléphone. Je crois en lui parce que c’est important, pour remonter les ballons, d’avoir un défenseur central qui puisse donner dans l’intervalle, sur le milieu excentré, faire des transversales… Et lui est capable de le faire.

Quel regard portez-vous sur la difficulté au PSG de lancer des jeunes ?
Les gens au Paris Saint-Germain, ils viennent voir jouer qui ?

Des stars…
Voilà. Donc c’est difficile pour les jeunes de s’imposer. Mais Clément Chantôme est un bon exemple de réussite. Je pense qu’il faut les intégrer petit à petit. Antoine Kombouaré en prend à l’entraînement, c’est déjà une politique. C’est important, je regarde ce qui se passe à l’entraînement à Paris, quand Bertrand [Reuzeau] me dit : « Neeskens s’entraîne [avec les pros], Landre aussi », c’est un plus pour eux et un plus pour moi, parce qu’ils vont apprendre énormément avec des joueurs de très haut niveau.

Selon vous, qu’est-ce qui serait préférable pour ces jeunes : rester au PSG quitte à ne jouer que dix minutes de temps à autre, ou être prêté à un club de L2 ?
Ce qui est important en post-formation, c’est de jouer. En U20, le problème de Francis Smerecki, c’est qu’il va aller à la coupe du monde avec des joueurs qui sont tous remplaçants dans leur club. Je n’ai pas ce problème parce que dans ma sélection je n’en ai que deux ou trois en L2, les autres jouent en CFA régulièrement. Ce que je conseille, c’est de partir en deuxième division. Qu’ils jouent, qu’ils jouent. Et après ils reviennent. On aime ou pas Guy Roux, mais lui ne faisait que cela, parce que cela leur permet d’avoir du temps de jeu.

C’est ce que vous conseilleriez à Kebano ou Bahebeck par exemple, qui ont intégré le groupe pro du PSG cette saison ?
Oui, qu’ils aient du temps de jeu dans des clubs intéressants.

Discutez-vous avec les clubs de ces problématique de temps de jeu ?
Oui, mais étant donné que les joueurs leur appartiennent… À la fin du mois je pars à Porto : nous avons un tournoi intéressant à disputer, mais qui a été placé par la fédération portugaise, et pas sur une date de l’équipe de France A ou de l’UEFA. Donc Grenoble m’appelle et me dit : « Nous ne pouvons pas libérer nos joueurs, nous jouons le maintien, nous avons des matches importants. » Je suis obligé de leur laisser les joueurs. En revanche je ne les laisse pas sur les tours qualificatifs.

En tant que sélectionneur des jeunes, avez-vous senti un changement d’approche au PSG à propos de la formation ces dernières années ?
J’ai trois joueurs du PSG actuellement, alors que lors de certaines années il n’y en avait pas beaucoup, c’est déjà une réponse. Et j’en avais un quatrième, Alassane També, que j’ai mis un peu de côté ces derniers temps…

Il semblerait qu’il ait du mal à confirmer depuis qu’il a signé pro à l’été 2009.
Il a un problème de concentration. Il va faire des matches exceptionnels, et il va être absent cinq minutes. Mais le match va tourner pendant ces cinq minutes. C’est quelqu’un qui manque terriblement de confiance.

La formation en France, son avenir… avec les Espoirs ?

Savez-vous évaluer les raisons qui font que des joueurs qui ont été internationaux dans toutes les catégories de jeunes ne confirment finalement jamais ?
Philippe BergerooAvant 17 ans, non. Outre la technique, le mental joue beaucoup. L’implication, c’est le plus important. Cette génération [il montre un poster des U17 champions d’Europe en 2004] était une génération exceptionnelle, mais ils avaient surtout une implication à 150 %. En finale du championnat d’Europe, alors que les Espagnols étaient invaincus, ils sont venus me voir : « Coach, ne vous inquiétez pas, c’est pour nous. » Je trouvais cela gonflé. Samir Nasri va voir Fabregas avant le match, et il lui dit : « Nous allons gagner. Regarde la coupe, regarde le trophée : il est pour nous ! » Je lui demande : « Non, mais tu n’as pas fait ça ? » Il me répond : « Mais si coach, ne vous inquiétez pas. » Mais ils avaient une implication dans le football, tu pouvais discuter football avec eux. Alors qu’il y a des générations qui montent, je leur demande s’ils ont regardé le match Barcelone-Arsenal : « Bah, non… »

Comment procédez-vous pour réaliser vos sélections, vu le nombre de joueurs à superviser ?
Déjà, avec les détections en U16, U17 et U18, il n’y a pas beaucoup de joueurs qui peuvent nous échapper. Ensuite nous passons par tous les centres de formation. Je suis tout le temps — presque tous les week-ends — en relation avec eux : j’appelle, je demande comment ils vont, s’il y a un joueur qui sort… Nous regardons aussi un peu ce qui se passe à l’étranger. Enfin il y a une nouvelle orientation à la DTN : auparavant, outre les sélections de jeunes, nous nous occupions beaucoup des formations de cadres. Maintenant ceux qui ont en charge les sélections de jeunes vont faire un peu moins de formation. Cela va nous permettre d’avoir plus de temps pour aller voir les clubs. À une époque, je consacrais 70 % de mon temps à la formation, et 30 % aux sélections. Désormais 80 % de mon temps sera alloué aux sélections, et 20 % à la formation des cadres. Cela me permettra d’aller voir beaucoup plus de matches la saison prochaine. À l’étranger cela fonctionne ainsi, les sélectionneurs nationaux ne font que les sélections de jeunes, et d’autres ne font que les formations de cadres. Si on fait les sélections de jeunes, il faut s’y consacrer à fond.

Cette saison, on entend beaucoup que la France doit changer d’approche en matière de formation, pour ne plus privilégier les profils costauds aux joueurs techniques. Quelle influence avez-vous, en tant que sélectionneur national et formateur d’entraîneurs, sur ces choix ?
Ce constat, on l’entend depuis vingt ans. Après l’élimination de l’équipe de France face à Chypre avec Henri Michel [en 1988], après le but de Kostadinov avec Gérard Houllier [en 1993], et là après le fiasco de l’Afrique du Sud. Nous n’avons jamais pris de mecs costauds. Nous prenons des joueurs techniques ! J’ai un jeune à Monaco, Valentin Eysseric : très bon joueur, petit et technique, il va percer dans deux ans. Je ne le laisse pas sur le banc de touche, je le fais jouer. Je me mets en difficulté, mais je le fais jouer parce que je sais que dans deux ans il va passer. Nous sommes toujours confrontés à ces discours quand il y a des fiascos.

Ce constat n’est-il pas valable dans les clubs ?
Dans les clubs peut-être. Nous nous sommes aperçus que dans certaines ligues, ils sont tous grands et puissants. Là il y a peut-être des choses à revoir. Mais pas sur le plan des sélections. On dit qu’il faut copier tout ce qui se fait en Espagne. Il faut arrêter un peu. Quand nous avons été champions d’Europe U19 avec Francis Smerecki [en 2010], c’est face aux Espagnols. Et en U17, au championnat d’Europe, les Espagnols ne sont pas qualifiés.

On parle souvent de la difficulté de plus en plus grande de gérer les jeunes joueurs. Qu’en est-il pour vous ?
C’est surtout dans les clubs. Ici, nous les mettons en garde : il y a un gars sur 1 000 qui réussit. Les parents ont tous des Zinedine Zidane dans la famille. Nous leur demandons surtout qu’ils n’arrêtent pas leurs études. Notre problème, c’est qu’il y a beaucoup de gamins qui font des efforts énormes pour passer professionnel, puis une fois que c’est fait, ils ont atteint leur but, et ils disparaissent. Parce qu’ils n’ont plus cette implication pour aller plus loin.

Vous avez déclaré récemment que vous envisagiez d’entraîner les Espoirs. Confirmez-vous ?
Je me suis effectivement positionné étant donné que, sans étaler mon pédigrée, depuis que je suis revenu à la DTN, je suis champion d’Europe [en 2004 avec les U17], j’ai gagné le tournoi de Toulon [en 2007 avec les U20]… J’aimerais bien terminer ma carrière avec les Espoirs. Cela se fera ou cela ne se fera pas… Je me suis qualifié avec les U17, et personne ne s’est jamais qualifié deux fois de suite en U17 puis en U19 en passant par les phases de qualification.

Vous disiez également avoir été sollicité par plusieurs clubs japonais ?
Heureusement que je n’y suis pas allé finalement… (sourires) Oui, deux clubs m’ont sollicité en septembre dernier, lorsque nous sommes allés disputer la Sendaï Cup. J’étais un peu tenté par le Japon, parce qu’il y a un certain état d’esprit, un respect des règles qui me conviennent. Mais je suis à cinq ans de la retraite, donc je ne vais pas faire n’importe quoi non plus. (réflexion) Peut-être prendre un centre de formation ? Quand on a connu le soleil, des fois ce n’est pas trop mal d’apprécier l’ombre. J’ai connu tellement de choses, et la vie m’a gâté, même si j’ai connu des moments compliqués. Je n’avais jamais pensé sortir de Saint-Jean-de-Luz, en Promotion de Ligue. Et je retournerai là-bas. (sourires)

Notes

[1] Jimmy Kamghain a été victime d’une rupture des ligaments croisés du genou à la fin de la saison 2009/2010.

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9 votes

2 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1

    carlos
    4 mai 2011 20:58

    Superbe itw comme d’habitude J’ai appris pas mal de choses et je suis 100% d’accord avec lui en ce qui concerne la formation. Laurent blanc a un gros fantasme sur l’espagne alors que la formation française est très bonne et l’a prouvée en battant l’espagne plusieurs fois en jeunes !

    Petite erreur dans le titre vous avez marqué Kebano, Bahebeck, Landre c’est plutot kebano Kamghain, landre vu qu’il n’ y a pas un mot sur bahebeck !

  • #2

    Vivien Brunel
    4 mai 2011 21:04

    @ Carlos : merci, c’est corrigé. (Bahebeck ne fait pas partie de la génération qu’entraîne Bergeroo — il est actuellement en U18 —, c’est pour cela qu’on n’en parle pas dans cette interview)

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