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Série de cinq portraits inédits de l’ancien président du PSG

[PSG-Nantes] Parcours de Francis Borelli (1/5)

Découvrez le chemin parcouru par Francis Borelli depuis son enfance en Tunisie

mercredi 10 septembre 2008, par Vivien B.

[PSG-Nantes] Parcours de Francis Borelli (1/5)

Ce dimanche 14 septembre 2008, à l’occasion du match Paris SG - FC Nantes (5e journée de Ligue 1), la tribune présidentielle du Parc des Princes sera officiellement rebaptisée « Tribune présidentielle Francis Borelli », en hommage à l’ancien président du PSG, décédé en octobre dernier. Cet honneur fait à « l’homme à la sacoche » illustre l’importance de son oeuvre pour le football à Paris. À cette occasion, nous vous proposons de revenir sur Francis Borelli, les aspects les moins connus de son parcours et sa personnalité, grâce notamment à la participation de sa famille.
Première partie : son parcours, de La Calle à Paris, en passant par Sousse et Cannes (découvrez les 5 parties, publiées d’ici dimanche)

Au PSG, les « années Borelli » (1978-1991) sont souvent résumées en rappelant le palmarès des Rouge & Bleu durant cette période : deux coupes de France — les premiers trophées du club —, et surtout un titre de champion de France, le premier d’un club de la capitale depuis cinquante ans ! [1] Toutefois, s’en tenir à ce simple rappel pour évoquer le natif de La Calle (en Algérie) serait réducteur, et ne permettrait pas de prendre toute la mesure des hommages qui lui sont rendus depuis son décès il y a près d’un an.

Pour en savoir plus, nous avons interrogé différents membres de la famille Borelli : ses enfants, Lucie et Michel Borelli, qui apportent un éclairage précieux sur l’ancien président du Paris SG ; mais aussi des cousins éloignés, supporters du Paris Saint-Germain durant les années 1980 (notamment Olivier et Florian), qui témoignent de l’homme qu’ils ont connu. Des archives d’époque et quelques réactions récentes complètent également le portrait.

Un parcours atypique

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La Calle, Sousse

Francis Borelli est né le 8 avril 1932 à La Calle (Algérie), un petit port de pêche aujourd’hui appelé El Kala, proche de la frontière tunisienne. Amateur de ballon rond, il grandit en Tunisie puis partage sa jeunesse entre la Tunisie et la France, au gré des obligations militaires et de son parcours de footballeur.

Débuts à la Patriote de Sousse, en Tunisie

Son père — gardien de phare — muté en Tunisie, Francis Borelli fit ses premières armes au Patriote de Sousse, avec lequel il évolue en première division tunisienne alors qu’il était encore junior — il était surclassé depuis les cadets — et dont il devient l’un des joueurs vedette. Pendant son service militaire effectué en région parisienne, Francis Borelli joue avec la réserve du Red Star, et dispute même deux matches en équipe première. De retour à Sousse après avoir exercé différents métiers dans la capitale française (représentant en Cocotte-Minute, vendeur de tissu, publicité, travail à la chaîne chez Renault…), Borelli retrouve la Patriote et obtient une sélection avec l’équipe nationale tunisienne. Il quitte de nouveau Sousse pour la France, à l’AS Cannes cette fois. Un article paru dans la presse de Tunis à l’époque et cité par Paris SG magazine en février 1989 évoquait ce départ :

Francis Borelli, vedette de la Patriote de Sousse, nous quitte.

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Borelli quitte la Tunisie

Défenseur vigilant tout en restant un puissant demi-offensif, ce joueur est d’une classe certaine, tant son aisance et sa virtuosité font merveille. […] [Borelli] manifesta des qualité de grand joueur. Incontestablement, il s’agit là d’un homme doublé d’un stratège de valeur. Excellent tripoteur de balle, bon technicien, mystifiant ses adversaires par ses dribbles, rapide, accroché au sol, l’enfant prodige de la Patriote, qui a toujours eu l’estime, la confiance et l’enthousiasme de ses dirigeants et des spectateurs, fera du chemin en France s’il persévère. À peine âgé de 22 ans, grand et robuste, l’espoir soussien, « l’artiste » comme l’appellent les connaisseurs de la balle ronde, nous quitte pour tenter sa chance. Bonne chance Francis.

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Borelli au Patriote de Sousse

Lucie Borelli précise l’attachement de son père pour le pays de son enfance :

Il a continué à y retourner par la suite, et il entretenait des liens très étroits avec soit les personnes qui étaient sur place, soit la communauté tunisienne qui était sur Paris. Il était notamment très attaché à la ville de Sousse (Tunisie) et à la ville de La Calle (Algérie). Il est resté extrêmement attaché à ses origines.

Le 11 février 1989, à l’occasion de PSG-Toulon, le programme de match évoquait la tournée du club parisien en Tunisie fin janvier, en marge de laquelle Francis Borelli a été fait citoyen d’honneur de la ville de Sousse :

Il a été accueilli comme l’enfant prodigue, comme un roi, comme une star. De quoi le faire passer pour le « Pelé tunisien » des années 1950 : compliments, félicitations, réceptions, diners, festivités en son honneur ont jalonné le parcours du président Borelli en Tunisie durant la tournée qu’y a effectué le PSG. Au point de le rendre presque mal à l’aise, de le voir gêné par toutes les louanges qui lui ont été adressées, le présentant comme le plus fort des plus forts.

Mais, derrière cet embarras, l’homme avait du mal à cacher une profonde émotion qui le faisait replonger dans ses souvenirs. Notamment ceux de ses débuts en équipe première contre le Club Africain où il commenca déjà à briller au sein de la défense de la Patriote avec ses copains Charles Cimalando, Joseph Mazouz, Armand Draï et Eugène Vigo.

Roublard, truqueur, malin, mais tellement sympathique qu’il était devenu, sans être le plus doué, la vedette de la Patriote de Sousse. Et si après tant d’années, il aurait pu rougir devant ses anciens coéquipiers pour tout le fracas avec lequel il fut accueilli, il avait en revanche la reconnaissance de tous pour être le seul de la belle époque à être aligné dans un match amical avec les anciens de la Patriote. Et même s’il a un peu vieilli, il n’en démontra pas moins qu’il avait gardé tout son football.

Rencontre avec Henri Sidélio

Après un passage par la réserve de l’AS Cannes, il s’installe de nouveau à Paris, où il trouve différents « petits boulots ». Parmi ceux-ci, il fait de la figuration au cinéma — il a notamment joué le rôle d’un gangster (sic) dans un film de Robert Hossein. Cette activité sera le début de sa réussite professionnelle ; Lucie et sa mère reviennent sur la rencontre qui fut décisive :

Papa faisait de la figuration. Un jour, alors qu’il sortait à peine d’un tournage, encore maquillé, il faisait le malin avec son maquillage à la terrasse d’un café. Il papotait fort avec ses copains, quand un homme assis à côté est venu le voir et lui a tendu sa carte de visite : « Monsieur, j’aimerais vous rencontrer et travailler avec vous. Je m’occupe d’une boite et je pense que nous pouvons faire quelque chose ensemble. » C’était Henri Sidélio. L’insertion publicitaire dans différents ouvrages — c’est ce qu’avait inventé Monsieur Sidélio — en était à ses balbutiements. Papa et lui se sont retrouvés à faire ça ensemble : Monsieur Sidélio c’étaient les idées, papa c’était la tchatche ! Ils ont bien cartonné avec ça. Papa a continué son activité jusqu’aux premières lueurs de la maladie, donc aux environs de 2000 à peu près.

Dirigeant du Paris SG de 1973 à 1991

Parallèlement à ses activités professionnelles, Francis Borelli entretient toujours une passion hors norme pour le football. Il y joue très régulièrement, notamment avec un certain Daniel Hechter. Quand le couturier débarque au Paris SG en 1973, son ami Francis Borelli fait partie de l’aventure, aux côtés de Charles Talar, Guy Bossant, Jacky Bloch et Jean-Paul Belmondo. À nouveau, Lucie nous précise les circonstances de cette arrivée :

Daniel Hechter était vraiment un très bon ami de papa, un ami très intime — j’ai des souvenirs de vacances chez Daniel. Leur association ne devait qu’à leur amour commun du football, et pas du tout aux affaires : ils se retrouvaient à s’entrainer ensemble, c’était leur passion commune. Et puis il y a eu une opportunité, qui a fait qu’un beau matin…

Arrivée au Paris SG en juin 1973

Juin 1973. Le Paris SG, reparti en troisième division l’été précédent, après que le Paris FC lui a arraché son effectif professionnel et sa place en D1, termine deuxième. Le désistement de Quevilly lui permet cependant de décrocher une place en deuxième division pour la saison 1973/1974. C’est à ce moment-là que Daniel Hechter et ses amis rejoignent le Paris Saint-Germain, dont Henri Patrelle garde la présidence ; Hechter est nommé président du comité de gestion, aux termes d’un accord signé le 15 juin 1973 entre les deux hommes.

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Rue Bergère, à Paris

La première saison du « gang des chemises roses » permet au club parisien de retrouver la première division. Patrelle cède alors sa place de président à Hechter. À l’époque, de nombreuses réunions ont lieu rue Bergère, où se trouvaient les bureaux de Francis Borelli puis le siège du Paris SG.

Treize ans à la tête du PSG

Le 6 janvier 1978, en raison du scandale de la double-billetterie du PSG, la FFF suspend Daniel Hechter à vie. Trois jours plus tard, Francis Borelli est élu président du Paris SG. Il conservera ce poste plus de treize ans, durant lesquels il a permis au club parisien de s’installer durablement en D1, malgré la concurrence du Paris FC puis du Matra Racing (Lagardère jettera l’éponge en 1990). C’est également sous la houlette de Borelli que le PSG a remporté ses premiers trophées :
- la coupe de France 1982, contre Saint-Étienne (2-2, 6 tirs aux but à 5) ;
- la coupe de France 1983, contre Nantes (3-2) ;
- le titre de Champion de France 1986, améliorant au passage le record d’invincibilité en D1 (27 matches).

Gros plan sur : la finale de la coupe de France 1982

L’image avait tourné en boucle sur les chaînes de télévision à l’époque : après l’égalisation du Paris SG à la dernière minute des prolongations, contre Saint-Étienne, le président parisien s’est précipité sur la pelouse du Parc des Princes pour l’embrasser. Les supporters envahissant le terrain par ailleurs, il faudra une demi-heure avant de pouvoir disputer la séance des tirs au but. « Si on y a mis le temps, on y a aussi mis la manière, puisque Paris ne fait pas les choses comme tout le monde », expliquera le président parisien le lendemain sur le plateau de Téléfoot.

Finale de la coupe de France 1982

Après le match, Francis Borelli expliquera son geste sur le plateau de TF1 : « Je n’ai pas coutume d’être assez expansif, bien que je sois méridional, mais on ne peut pas contenir une telle joie. Un couronnement de cette nature, c’est tellement extraordinaire qu’on est tout à sa joie, on ne regarde pas, on ne calcule pas, il n’y a pas de comédie, c’est spontané. Et j’avoue que je suis trop heureux pour les Parisiens… »

Cliquez-ici pour voir un résumé de la finale 1982

Finale de la coupe de France 1982

Le geste spontané du président parisien n’a d’ailleurs pas surpris outre mesure sa fille :

C’était quelqu’un d’enthousiaste, avec un tempérament du sud — donc qui pouvait s’enflammer —, qui avait définitivement une passion absolue et totale pour le foot, et un amour immense et démesuré pour son club. Tout cela conjugué a abouti à cette fameuse image que tout le monde a encore en tête.

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Borelli pendant les tirs au but

Le 28 février 1987, Borelli explicitait encore ce geste dans Paris SG magazine : « Le but de Rocheteau, c’est le moment le plus intense de ma vie. Je n’y croyais plus. C’était cuit, pour plaisanter, je disais aux gens à côté de moi : “on ne peut pas ne pas égaliser !” Et puis Rocheteau a marqué… C’était la délivrance ! L’explosion de joie ! Impensable… Alors, j’ai embrassé la pelouse, cette terre bénie du Parc, pour remercier le ciel… comme les Musulmans que je voyais en Tunisie, qui embrassaient la terre pour remercier leur Dieu. »

Cliquez-ici pour accéder à d’autres photos et vidéos de l’époque

D’autres vidéos de cette époque sont disponibles sur le site de l’INA :
- Thierry Roland (Stade 2) se fait arroser par Luis, avec la complicité de Borelli ;
- Reportage sur le match sur TF1 ;
- Reportage sur le match sur Antenne 2.

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Paris fête la victoire à {Stade 2.}

Gros plan sur : la lutte pour le maintien en 1988

Une bataille qui remonte à plus de vingt ans, et qui n’a rapporté aucun trophée dans la vitrine, bien que le Paris SG l’ait gagnée. Une bataille dont se souviennent les « anciens » du Parc des Princes, mais que les jeunes générations n’ont que rarement l’occasion de découvrir. Cette bataille, c’est la lutte pour le maintien du club en première division, saison 1987/1988. Notre chroniqueur, Arno P-E, l’évoquait en 2007, lorsque le Paris SG luttait de nouveau contre la relégation à l’échelon inférieur :

En mai 1988, le Paris SG va mal. En dix-neuvième position, il est relégable… Même la dix-huitième place ne le sauverait pas forcément de la descente en D2, puisque cette position au classement oblige à disputer un match de barrage contre le troisième de D2. Si les Rouge et Bleu veulent assurer le maintien, c’est le dix-septième rang qu’il faudra atteindre, au minimum. Il ne reste à notre club que quatre journées pour arracher sa survie dans l’élite. Voire sa survie tout court car les finances vont mal. Déficitaire depuis quelques temps, le Paris SG ne se remettrait sans doute pas de la perte financière causée par une descente en deuxième division…

C’est alors que Borelli prend une incroyable décision. Tant pis pour le fric ! Tant pis pour la recette. Et tant pis pour les dettes. Borelli prend sa décision avec son coeur. Il ouvre les portes du Parc à qui veut bien soutenir les joueurs Rouge et Bleu. Gratuitement. Il offre le Paris Saint-Germain à ses fans. Il confie son bébé aux supporters. Avec une mission… En contrepartie, les supporters de la Capitale devront sauver leur club. Tout simplement. Sauver leur équipe.

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Billet du match PSG-Auxerre
Photo Bart.k9

Le 14 mai 1988, les 38 512 spectateurs du match Paris SG - AJ Auxerre pénètrent au Parc des Princes grâce à un billet sur lequel un tampon encreur a ajouté la mention suivante : « Billet offert par le Paris SG, ne peut être vendu ». Le club parisien égalisera en toute fin de match, grâce à l’appui de son public. Deux semaines plus tard, l’opération « entrée gratuite » sera reconduite face à Lens. La victoire est de nouveau impérative. Dans l’édito du programme de match, Francis Borelli exorte les 35 624 spectateurs du Parc des Princes à encourager les Rouge et Bleu :

Pour l’occasion, et de la même façon qu’il y a deux semaines face à Auxerre, nous avons décidé d’inviter gratuitement au Parc des Princes tous ceux qui, à Paris, en Île-de-France ou ailleurs, se sentent concernés par l’avenir du Paris SG. C’est un appel à l’union que je lance ici, au rassemblement fraternel autour d’une bannière qui, encore vacillante, demande à être portée par des bras solides. C’est un public fort et vigoureux qu’ils nous faut, un public qui fasse corps avec son équipe en un moment crucial de son existence. Il sera temps, plus tard, de critiquer, de gloser sur les points perdus ici ou là : il faut, aujourd’hui, sauver l’essentiel !

[…] Ce n’est pas un élan, c’est une vague de ferveur populaire que je veux pour que ce match soit vraiment une fête réussie, pour que dans la joie retrouvée, le Paris SG se donne les moyens de rester en première division.

Arno P-E revenait sur la signification et les enjeux de ces mesures :

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Billet du match PSG-Lens
Photo Bart.k9

Plein comme un oeuf, le Parc contribuera à éviter la descente, grâce à un nul contre Auxerre (1-1) et une victoire face à Lens (4-1). Un Parc de feu pour deux matches exceptionnels… mais sans la moindre rentrée d’argent.

Or, cette décision, en chef d’entreprise qu’il est, Borelli sent bien qu’elle ne sera pas sans conséquences. En se privant des recettes de ces rencontres, il sait pertinemment qu’il creuse encore un déficit déjà préoccupant. Se doute-t-il alors qu’à terme c’est ce qui causera sa perte, à lui ?Probablement. Pour donner à ses supporters l’occasion de sauver le PSG, Borelli sacrifie sa carrière. Trois ans plus tard, à peine, il sera débarqué… Le PSG, alors exsangue a besoin de liquidités et c’est Canal + qui y pourvoira… poussant à la retraite l’ancien publicitaire aux chemises roses.

Une page se tourne en 1991. Celle du président qui aura fait passer le Paris Saint-Germain avant sa propre personne… Mais si aujourd’hui encore, ce club est encore en L1, s’il est même devenu doyen à ce niveau, c’est avant tout grâce aux actes de Francis Borelli, en ce mois de mai 1988.

Gros plan sur : Richard Niederbacher

Richard Niederbacher. Ce nom vous dit peut-être rien. Et pour cause, cet attaquant autrichien ne sera resté qu’une saison au club parisien (en 1984/1985). Du sport ou du cochon revient sur ce transfert surprise :

Borelli c’était surtout « une gueule » et un bagou riches en expressions dorées au soleil de Tunisie. L’homme aimait la beauté, la vista, les artistes du ballon aux coups de patte dévastateurs. Au point, parfois, de s’emballer un peu vite devant un geste de classe. Je me rappelle d’une réunion de supporters, dans le ventre du Parc des Princes, comme il s’en tenait alors tous les ans. Interpellé par un groupe de supporters perplexes devant le recrutement du « buteur » autrichien Richard Niederbacher, Francis s’enflamme. Voilà qu’il nous décrit le fantomatique attaquant en héros de saga, dribblant d’un coup de rein, crinière au vent, un Gérard Janvion déjà vieillissant lors d’un match amical. Borelli avait eu pour ce joueur, bien vite oublié, l’un de ces célèbres emballements, qui valurent au PSG de belles réussites — dois-je vous reparler de Safet ? — mais aussi quelques flops incontestables.

Pierre Ménès, l’ancien journaliste de L’Équipe, complète l’anecdote sur son blog :

Borelli refuse de prendre l’excellent Elkjaer Larsen, et fait signer un Autrichien nommé Niederbacher nettement moins bon.

- Moi : Mais enfin pourquoi vous avez pris cet Autrichien ?
- Lui : Je sais, je sais, mais il était tellement beau avec le maillot du PSG…

Ne jamais rien lâcher, toujours encourager, le PSG allez…

Dans le même article, Arno P-E expliquait que Francis Borelli avait été un président dans les actes — on vient de le voir —, mais aussi un président dans les mots : n’hésitant pas à clamer son amour pour le PSG, et exortant les supporters à encourager leur club, encore et toujours. Même quand il va mal. Surtout quand il va mal ! Voilà encore un pan de l’héritage que Borelli a laissé à sa famille du Paris Saint-Germain : une lutte sans relâche contre la résignation.

Ainsi reilletel, sur le forum de mouvement-ultra, explique-t-il : « Il y a quelques années, je bois un coup avec un pote dans une brasserie de Porte de Saint-Cloud où il avait ses habitudes les soirs de matches — il donnait rendez-vous aux personnes à qui il distribuait des places gratuites. À l’époque, le PSG était au plus bas, et les dirigeants d’alors étaient sur la sellette ; beaucoup se seraient gaussé de ces mecs qui l’avaient foutu dehors comme un malpropre, mais lui était dans la souffrance totale de voir son club ainsi malmené. On lui a parlé de mouvements de protestation en cours chez les supporters, il en était malade… Il nous disait que nous étions les derniers garants de l’authenticité parisienne, et que si nous n’étions pas derrière nos couleurs, c’était la fin . » D’autres exemples avec les éditos de Francis Borelli :

Programme de match PSG-Nîmes, en mars 1984 :

Présomptueux serait de ma part que de dire que PSG est encore en couse pour le titre de champion de France. Il y a ce qui est souhaitable et ce qui est possible. Je n’arrête pas comme dans les grands combats de penser et de faire. […] Sans afficher un optimisme à tout crin, je suis sûr que chacun d’entre nous est persuadé des possibilités qui sont les nôtres et de notre réussite.

[…] Les choses dans le football sont plus difficiles à résoudre que dans n’importe quelle activité, on ne peut jamais être certain de connaitre, jamais être convaincu de savoir, encore moins de prévoir ; et résolument pas de prouver.

Et pourtant, la seule chose que RIEN ni PERSONNE ne peut m’interdire : c’est d’y CROIRE.

Programme de match PSG-Toulon, en août 1984 :

Au moment où j’écris ces lignes est présent dans ma mémoire un fait survenu ce matin, au retour de Lille : tandis que je me rendais comme chaque jour à mes bureaux, aux environs de 8h30, je fus apostrophé dans la rue par une phrase que seul un de ces vrais Parisiens pouvait lancer : « Ca sent pas bon Président, hein ? » Il est certain que le PSG a besoin de son public qui doit être solidaire de son équipe, dans les bons comme dans les mauvais moments. […] Persuadé que vous serez au rendez-vous, je n’oublie pas, en empruntant à Jules Renard ces mots, qu’« un ami, c’est celui qui devine toujours qu’on a besoin de lui ».

Programme de match PSG-Heart of Midlothian, en septembre 1984 :

Rien ne pourra me résigner au découragement. […] « Le désespoir est la plus grande des erreurs », a écrit Vauvenargues, et un autre écrivain dont le nom m’échappe a dit : « On n’est jamais désespéré lorsqu’on est responsable. » Je peux vous assurer que je ferai tout pour redresser la barre.

Les commentaires des dirigeants parisiens sont également instructifs à cet égard. Ainsi Fernand Taton, directeur administratif, écrivait-il en novembre 1987, dans le programme de match PSG-Marseille :

Le président Borelli est trop connu pour douter un seul instant qu’il accepte passivement la situation, il rejette la résignation. […] Il oeuvre sans relâche et avec acharnement pour que l’équipe renoue avec le succès et que le club poursuivre une carrière jusque-là brillante. Connaissant sa détermination, et son tempérament de gagneur, que tous lui accordent confiance et que tous nos supporters adhèrent sans restriction à cette volonté de vaincre. Pour être de par mes fonctions proches de lui, je sais que le point qui le sensibilise le plus, c’est la crainte de décevoir le public et de ne plus apporter aux fidèles supporters ce qu’ils sont en droit d’attendre.

Quant à Bernard Brochand, le maire de Cannes et ancien président de l’association PSG, voilà comment il concluait son hommage à Borelli, après le décès de ce dernier : « Francis Borelli est parti, mais il nous laisse la morale de sa vie : oser toujours l’impossible et aller au bout de ses rêves. »

Enfin, impossible de conclure ce passage sans évoquer le texte admirable que Francis Borelli a écrit pour le Journal du PSG en avril 1999 (PSG-Montpellier), alors que le club parisien vit la pire saison de l’ère Canal + :

Le PSG est un club qui m’a tout donné dans l’existence. Oui j’aime le PSG d’un amour indéfectible. Le temps n’a rien gommé. Dans la vie des équipes, dans l’existence même des clubs, certains cycles s’amusent à freiner les destins. Même les plus hauts. C’est ainsi. Faut-il pour autant renoncer ? A-t-on le droit de se détourner de sa plus vibrante passion ? Évidemment que non. Je vous l’ai déjà écrit : j’aime le PSG. Et personne ne pourra me changer. Comme vous les supporters, je souffre aujourd’hui. Comme vous les dirigeants, j’encaisse les bruits et le son d’un blues désaccordé. Comme vous les footballeurs, je m’accroche au prestige en suspens de Paris. Depuis mon retour de Cannes, je n’ai jamais raté un match du PSG au Parc des Princes. Comme beaucoup d’entre vous. J’entends quelques quolibets. Comme vous. Qu’importe : on pourra même me traiter de fou, il n’y a que ces couleurs parisiennes qui illuminent mon coeur. Et à chaque blessure, il saigne ce coeur-là. Mais il s’enflamme encore.

Je vous l’accorde, j’ai le privilège d’avoir assisté à la construction, au développement et à la pérennité du club. Je sais déjà que nous ne descendrons pas en D2 parce que nous ne le méritons pas. Je sais aussi que nous repartirons très tôt et plus vite que vous ne le pensez, vers des lendemains radieux. Cela dit, jamais le PSG n’a eu autant besoin de vous. N’attendez pas que notre club retrouve son standing pour le serrer dans vos bras. Faites le dès maintenant. Surtout maintenant ! N’ayez pas peur. Battez-vous contre la résignation. Depuis qu’à Paris on s’est inventé des voyages qui tutoyaient les nuages, je me refuse à baisser les yeux. Vous aussi j’espère. Je vous en conjure : ne sifflez pas nos footballeurs, applaudissez-les pour qu’ils retrouvent une lumière définitive. Ces joueurs-là ont subi une terrible charge émotionnelle. Ils ne sont ni des robots, ni des machines libérées des doutes et des angoisses. Mais des êtres de chair et de sang tout simplement. Bien sur les esprits sont atteints. Mais ne méritent-ils pas du respect, et oserais-je l’affirmer, quelques honneurs, ces footballeurs-là ?

Je n’aurais ni le culot, ni l’indécence d’écrire que le club n’a pas d’âme, mais il est évident — et les dirigeants du PSG le savent bien — que dans les circonstances actuelles la chaleur, le réconfort, la solidarité, l’amour, l’affection deviennent plus que jamais des valeurs à renforcer d’urgence auprès de nos joueurs. Que les dirigeants du PSG redoublent de vigilance sur ce point. Je ne réclame rien. Je ne veux froisser personne. Je devine trop bien les interrogations de certains. Tant pis pour eux. Je veux juste vous crier qu’il est indispensable de supporter le PSG. Qu’il repartira encore plus fort grâce à une force collective, à des bouts d’amour qui s’additionnent. Je vous l’avoue il ne se passe pas une journée sans que je rêve des dizaines de olas qui enlacent tendrement les gradins du Parc des Princes. Je ne revendique rien. Oui, Paris a toujours un grand club. Qui va se réveiller plus fort, plus uni. Comme nous tous au fond, face au périple de la vie avec ses joies et ses douleurs. Qui poussent à se battre. Et le Paris Saint-Germain ne refusera jamais de se battre. Je le sais. Vous le savez tous. Vous ne seriez pas au Parc des Princes sinon…

Mai 1991, Canal + reprend le PSG et évince Borelli

Les années 1980 ont également été marquées par une irrégularité en championnat : treizième l’année précédent le titre, puis septième l’année suivante. Particulièrement difficile, le public parisien peine à répondre présent en nombre, et se détourne progressivement du Parc des Princes après le succès de 1986 (de 25 000 spectateurs de moyenne l’année du titre, l’affluence diminue jusqu’à 14 000 en 1990/1991). En 1987/1988, le club de la capitale frôle même la catastrophe, ne se sauvant qu’à quelques journées de la fin — ce sera la seule et unique saison depuis 1974 que le PSG termine sans être le club francilien le mieux classé (le Matra Racing est 7e, le PSG 15e). Les difficultés financières persistant, le club est cédé à Canal + en mai 1991. La chaîne cryptée évince alors Francis Borelli, qui sera nommé président d’honneur du PSG.

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{Paris est-il le plus mauvais public de France ?}

Les tribunes du Parc des Princes n’étaient plus entièrement acquises au président Borelli. Quelques mois avant son départ, KGB, le fanzine des Boys, publie les résultats d’un sondage (41 votants) : 0 % des sondés le jugent ambitieux, 54 % seulement compétent, et 27 % estiment qu’il doit démissionner ! Les résultats sont accompagnés d’un billet d’humeur : « suprenante la réaction du KOB. Est-il à l’origine de la mauvaise prestation du club ? Il faut quand même remarquer que la Mairie de Paris n’a pas fait beaucoup d’efforts pour la réussite du club […]. »

Francis Borelli rédige un dernier communiqué (cité par PSG, OM, meilleurs ennemis) : «  […] Mes derniers mots vont aux supporters, à qui je demande se soutenir leur club. Ce sera là ma dernière volonté de président. […] Vive le PSG ! » L’homme des premiers trophées fait bonne figure, mais ses proches confirment que c’est pour lui un déchirement que de quitter le club parisien. Plusieurs années après, Charles Biétry, chargé par Canal + d’annoncer à Borelli que son départ est inéluctable, en était encore gêné (PSG, OM, meilleurs ennemis) : « Lui couper la tête m’a toujours embêté. C’est un très mauvais souvenir que j’essaie d’expier en écrivant pour lui son livre de souvenirs. »

Lucie Borelli établit un parallèle entre son père et la famille PSG :

À l’époque, son sentiment était mitigé. D’un côté, évidemment, il y avait le fait qu’il n’aurait plus les mêmes fonctions au sein de son club, qui était son club chéri, mais en même temps… Pour prendre une image, ça me fait penser aux parents, qui doivent accepter un jour que leur enfant quitte la maison. D’un côté on se dit que c’est normal, il faut qu’il vole de ses propres ailes, on voit le côté positif pour eux ; et en même temps, il y a quand même un petit pincement au coeur. Je crois que pour papa, son premier enfant qui a quitté la maison, c’était quand le club a dû aller vers Canal +, qu’il a quitté la maison de Francis.

En 2000, lors du jubilé Laurent Fournier au Parc des Princes, Francis Borelli évoquait sa relation avec le club de son coeur :

Le PSG c’est mon Amour, c’est ma passion. Tout ce qui vient du Paris Saint-Germain m’enchante. J’ai presque envie de vous dire que je suis souvent triste. J’ai connu des moments merveilleux, extraordinaires, mais c’est vrai que là je me sens un peu mal à l’aise parce que je sais que plus jamais je pourrai travailler, m’amuser, vivre avec le PSG. Il m’arrive d’être triste, de temps en temps très gai. Le PSG est quelque chose d’extraordinaire, c’est tout mon amour. Il n’y a rien qui me soit arrivé de mieux.

Une passion sans borne pour le football

En 1992, Borelli reprend l’AS Cannes

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Francis Borelli et Luis Fernandez, à l’AS Cannes

Un an et demi après son départ du club parisien, en octobre 1992, Francis Borelli reprend la présidence d’un club de football : l’AS Cannes, où il avait joué en équipe réserve étant jeune. Cannes évolue alors en D2, et vient de se séparer de Zidane quelques mois plus tôt. À La Bocca, Borelli retrouve Bernard Brochand, le maire de Cannes, mais aussi Luis Fernandez, alors âgé de 33 ans.

Lorsque nous interrogeons — maladroitement — sa fille sur l’« obligation », pour son père, de rester dans le fooball après avoir quitté le PSG, la réponse ne se fait pas attendre :

Associer football et obligation en parlant de papa, c’est juste absolument antinomique ! Rien n’était plus agréable pour lui que de baigner dans le foot : quand il avait trois minutes, c’était pour aller voir la xième division de je ne sais trop quel club ; quand il partait en vacances, il s’assurait d’avoir au moins un stade de foot à côté pour aller voir des petits jeunes s’entrainer. Son arrivée à Cannes, c’était donc à nouveau par plaisir, par passion. Dès qu’il pouvait toucher au foot d’une façon ou d’une autre, c’était un vrai bonheur : s’entraîner au Pecq les week-ends, dès qu’il y avait un ballon rond dans le quartier, une paire de crampons et il était fou de joie… Ce n’était absolument pas une obligation.

On a eu pendant de très nombreuses années une résidence secondaire à Cannes, papa était très très attaché à la ville de Cannes. Notre famille est encore dans le sud de la France, donc on était très attachés à la région et je crois que l’occasion s’était présentée, aussi bien pour le club que pour lui ; il en était fou de joie.

Deux mois après son arrivée, le natif de Sousse remplace Erick Mombaerts (entraîneur du PSG en 1987/1988) par Luis Fernandez, qui devient entraîneur-joueur. Le club remonte en D1, et se qualifie même en coupe UEFA pour la deuxième fois de son histoire ! Élu meilleur entraîneur de Ligue 1 par ses pairs à l’issue de la saison 1993/1994, Fernandez rejoint le Paris SG pour apporter au club de Canal + le sourire qui lui manque. Francis Borelli le remplace alors par Safet Susic (ancien joueur du PSG sous l’ère Borelli), puis William Ayache (joueur du PSG en 1986/1987). Le dernier technicien que nommera Borelli à Cannes sera Guy Lacombe, qui s’occupait précédemment du centre de formation cannois.

Le bilan de Francis Borelli à l’AS Cannes, marqué par le retour du club en D1 et la qualification en coupe UEFA, coïncide également avec de brillantes performances chez les jeunes : deux fois champion de France des moins de 17 ans, vice-champion de France de D3, sacré meilleur club professionnel de jeunes et meilleur centre de formation en 1995, vainqueur de la coupe Gambardella la même année.

Il a poursuivi le football jusqu’à ses soixante ans !

Si Francis Borelli n’a pas pu devenir footballeur professionnel, il n’a rien perdu de sa passion et de ses prédispositions pour le football.

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Borelli continuait de jouer au football

Lucie Borelli résume la relation entre son père et le football :

Il a joué au football tant qu’il a pu : jusqu’à ses soixante ans. Et dès qu’il pouvait taper la balle, il y allait. Certains ont besoin de leur café le matin, lui il avait besoin de sa dose de foot !

Michel Borelli, qui accompagnait son père sur les terrains de football, nous offre une anecdote personnelle :

Jusqu’à son dernier match, il ne commençait jamais un match de football — tous ses amis et les gars avec qui il a joué au foot connaissent cette anecdote — sans, à la fin de l’entrainement, poser le ballon à l’entrée de la surface de réparation et défier ses partenaires en disant : « regardez, je vais la mettre sur la barre transversale ». Il se donnait à chaque fois trois essais, mais je ne l’ai jamais vu rater au-delà du deuxième essai ! Peut-être ratait-il le premier, mais il la mettait toujours sur la barre dès le deuxième essai au maximum. À soixante ans il y arrivait encore. Je connais des joueurs professionnels — certains que je connaissais bien comme Luis, Jeannol ou Couriol — qui me disaient de leur propre aveu : « même nous on n’y arrive pas ! » Il était très doué avec un ballon.

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Francis Borelli joue au football

P.-S.

Nos remerciements les plus sincères s’adressent à toutes celles et ceux qui ont contribué à la réalisation de ce portrait :
- en premier lieu, Lucie et Michel Borelli pour leur disponibilité et leur gentillesse ;
- Olivier (ORRG), pour nous avoir ouvert spontanément ses riches archives personnelles (et le cabas qui allait avec) ;
- ainsi que tous les supporters parisiens que nous avons sollicités, dont le point commun fut l’accord immédiat et enthousiaste pour évoquer le souvenir de « président Borelli ».

Notes

[1] Le dernier titre de champion remporté par un club parisien remontait à la victoire du Racing en 1935/1936.

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