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1993 : le complot fomenté par Paris contre Marseille

mardi 10 mars 2009, par Vivien B.

1993 : le complot fomenté par Paris contre Marseille

PSG/OM, les meilleurs ennemis consacre un chapitre de 25 pages à l’affaire OM-VA, et son implication sur la rivalité entre le Paris Saint-Germain et l’Oympique de Marseille. Ce livre recèle d’informations précieuses pour comprendre la situation d’aujourd’hui ; parmi elles, nous en avons sélectionné quelques unes autour de l’attribution du titre de 1993 — en marge de notre dossier sur le sujet —, le remplacement de l’OM en Ligue des Champions et ses conséquences pour le rejet du PSG à Marseille.

Après l’affaire VA-OM, le rejet du PSG

À première vue, rien ne semble pourtant relier cette affaire de corruption au club parisien. Mais, par un jeu d’assimilations grossières orchestré notamment par Bernard Tapie, la rivalité PSG-OM, et au-delà Paris-Marseille, atteint alors son paroxysme et fait dangereusement vaciller l’ensemble du football français. Profitant en outre de sa position de député des Bouches-du-Rhône, Tapie transforme instantanément ce dossier en une vengeance politique, dont lui et son club seraient les victimes désignées. Totalement étranger à l’histoire, le PSG va se retrouver, bien malgré lui, impliqué au point de devenir LE rival honni de toute la métropole provençale.

À tel point que l’ethnologue Christian Bromberger affirme qu’en cet été 1993, « à Marseille, tout décision de la Fédération française de football contre l’OM apparaît comme un complot téléguidé par les puissances septentrionales, d’où l’amalgame entre le Paris Saint-Germain et les décisions de justice dans la capitale. […] Marseille n’a jamais supporté les jugements venus du pouvoir institutionnel, concentré dans la capitale. Quel que soit le fond de l’affaire, et même si M. Le Graët n’a rien d’un Parisien, les supporters marseillais n’ont pas accepté que les procédures contre le club soient parties de Paris. » De Paris au PSG, l’assimilation est facile ; elle est compréhensible. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est de rajouter un élément à l’équation, qui donne alors : « Justice = Paris = PSG ». […]

La France rêve, les médias supportent l’OM

Pour l’heure, comme le soulignent les journaux, « la France rêve » et il n’est pas question de la réveiller Pour la que fête soit totale, les Marseillais accueillent, trois jours après Munich, leur rival parisien. Mettre la France à ses pieds après l’Europe, voilà l’objectif proposé à l’équipe de Bernard Tapie. Journaliste à TF1, Pascal Praud revient sur l’inoubliable ambiance de cette célébration olympienne.

OM-PSG, le 29 mai 1993, c’est un match de fous. Je n’avais jamais vu ça avant, et je ne l’ai jamais vu après : toute la tribune de presse soutenait l’OM. Et tout le monde s’est levé quand Boli a marqué ce but incroyable de la tête. Même pour la finale du Mondial 1998, France-Brésil, les gens n’étaient pas debout comme ça. Ils venaient de vivre trois jours incroyables, avec la coupe d’Europe juste avant. Il faut bien comprendre l’importance de cette victoire pour le football français. Tout le monde est alors sur un nuage, tout le monde soutient l’OM. Le rêve est là, pas encore brisé.
D’autant que les Olympiens s’imposent de nouveau (3-1). Jean-Philippe Goron, rédacteur en chef de la chaîne TPS Foot, ajoute : « L’OM, ce n’était plus seulement du sport. C’était un club qui, pour la première fois, faisait que l’on ne passait plus pour des cons en coupe d’Europe. L’impact sur la société a été énorme. »

[…] Lors du traditionnel entretien télévisé du 14 juillet […], au mépris de toutes les règles constitutionnelles, [François Mitterrand] se livre à un commentaire sur une affaire judiciaire en cours d’instruction. Le président de la République évoque en substance un dossier dans lequel « il n’y a pas grand-chose », ou en tout cas « rien de bien grave ». […] Le procureur de Valenciennes [Éric de Montgolfier] […] est convoqué d’urgence à la Chancellerie. […] On me demande de faire moins de vagues, et de m’offusquer un peu moins fort. » […] Bernard Tapie est donc ouvertement défendu par le président de la République et épargné par le Premier ministre. Cette bienveillance œcuménique se confirmera à la fin de l’année 1993. L’OM accuse alors 123 millions de francs de perte (environ 19 millions d’euros). Les services de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget du gouvernement Balladur, accordent à Tapie un moratoire de trois ans pour éponger la dette. Un incroyable coup de pouce aux yeux de Pierre Dubiton, futur administrateur de l’OM, alors juge au tribunal de commerce de Marseille : « À ma connaissance, aucune entreprise n’a jamais obtenu de telles conditions ! On dit que les loups se mangent entre eux, mais visiblement pas en politique… » […]

L’UEFA reproche à la LNF de ne pas sanctionner l’OM

Le 23 juillet, alors que les instances françaises s’interrogent encore sur la suite à donner à l’affaire, l’UEFA indique par courrier à la LFFF que « la commission des compétitions internationales se dit prête à disqualifier l’OM des compétitions européennes, auquel cas la France aurait jusqu’au 31 août pour désigner le remplaçant de Marseille en C1. » […] Le 5 août, l’UEFA s’étonne de la teneur d’une lettre de Noël le Graët, président de la LNF, qui indique que «  l’OM ne sera pas remplacé en C1, quoi qu’il arrive. » Deux semaines plus tard, l’UEFA avoue à la FFF « ne pas comprendre le système français  » […]. Les instances supérieures du football [l’UEFA et la FIFA] ont décidément du mal à tolérer ces « lenteurs françaises », une nouvelle fois pointées du doigt le 30 août par le président de la FIFA en personne, Joao Havelange, qui « exige que des sanctions soient prises avant le 23 septembre ». […] Ce que la FFF et la Ligue ont autorisé en France [1], l’UEFA et la FIFA ne l’acceptent pas en Europe. Les compétitions internationales ne doivent pas être « salies » par une équipe qui aurait enfreint l’équité sportive : l’UEFA est prête à exclure l’OM de la coupe d’Europe. […]

La crise qui éclate alors entre le football français et la FIFA est d’une extrême gravité. Le 30 août, Joao Havelange rappelle les sanctions qui peuvent être prises contre la France. Une exclusion de la coupe du monde 1994, pour laquelle l’Équipe de France semble bien placée, est envisagée. Le lendemain, le patron du football international informe la FFF que tout nouveau retard provoquerait l’aggravation du cas français, ce retard traduisant, selon Havelange, «  un manque de poigne des autorités françaises  ». Le 3 septembre, alors que l’exclusion de l’OM ne fait guère plus de doute, le président de la FFF, Jean Fournet-Fayard, fatigué et dépassé par les événements, soupire : «  Si l’OM est privé de coupe d’Europe, ça va encore me retomber dessus »

Plus pragmatique, Noël Le Graët craint qu’une exclusion ne soit synonyme de banqueroute pour l’OM. Privé de manne européenne, le club, déjà mal en point, risque la faillite. […] Dans l’Hexagone, seul le quotidien Le Monde, apparemment sorti du rêve OM, stigmatise l’apathie des instances nationales dans cette affaire. Pour le reste, l’Europe du football cloue la France au pilori. L’article paru dans le quotidien sportif italien la Gazzetta dello Sport le 4 septembre est éloquent. Sous le titre : « Si Marseille était en Italie… », on peut lire :

Imaginez le Milan AC, l’Inter ou la Juventus à la place de l’OM. Imaginez que la Fédération italienne se tienne tranquillement à la fenêtre, sans prendre la moindre mesure, attendant les sentences de la justice ordinaire. Imaginez ensuite que le président de l’Inter (ou du Milan AC ou de la Juventus), personnage sans préjugés et politiquement compromis, trouve le plus grand soutien qui soit en la personne du président de la République. Pour incroyable que ce soit, c’est arrivé, non pas dans une république bananière, mais en France.
[…]

Tapie joue la thèse du complot parisien

Alors que l’UEFA n’a pas encore tranché, Tapie révèle : « Fournet-Fayard a eu la tentation, au moment de la présentation des équipes françaises en coupes d’Europe, d’inscrire le PSG à la place de l’OM. » Paris coupable d’en vouloir à Marseille, voilà une nouvelle fois l’argument massue de Bernard Tapie. […] Éric de Montgolfier confirme également avoir reçu de grosses quantités de lettres où était évoquée la rivalité nord-sud. […] Malgré le fameux complot parisien sans cesse mis en avant par Tapie, le Graët et Fournet-Gayard vont tout faire pour sauver l’OM. […] [Tapie] lâche alors une phrase lourde de sous-entendus : «  Si l’UEFA nous exclut, c’est qu’elle aura suivi la volonté des instances françaises. » […] Comme prévu, l’OM est exclu de la coupe d’Europe. Le lendemain, le football français qui, depuis le début et dans son ensemble, a refusé cette affaire, se réveille enfin. Le surtitre des articles de L’Équipe est révélateur : « Le rêve brisé ». Le titre d’un des articles reflète également bien le soutien dont le club avait bénéficié jusqu’alors : « L’UEFA sans pitié pour l’OM ».

De retour de Suisse, Noël Le Graët affiche son amertume : « Nous avons perdu ». Le président de la LNF doit ensuite répondre aux questions parfois déconcertantes de la presse, et notamment de L’Équipe, qui lui demande « s’il ne se sent pas responsable de l’exclusion de l’OM ». Face à la surprise du dirigeant, le journaliste enchaîne : « Mais c’est quand même vous qui, au départ, avez déposé plainte ! » […] Pourtant, répétons-le, dépassant ses convictions personnelles, Noël Le Graët a, de toutes ses forces, défendu la cause de l’OM devant l’UEFA. Et ce, malgré la terrible pression, à la limite du harcèlement, que lui a fait subit Bernard Tapie. […] À Marseille, l’idée du complot parisien est encore vivace. Pourtant, le 13 mars 1995, dès l’ouverture du procès, Jean-Pierre Bernès avait avoué : « Il y a eu corruption sur ordre de Bernard Tapie. Tous les joueurs savaient que le match était arrangé, demandez à Deschamps ou Desailly. Aujourd’hui encore, je suis sûr que des gens croient à un complot. »

Si Tapie s’est servi à des fins personnelles de cet antagonisme et a longtemps agité à son profit le spectre du complot, l’ancien président de l’OM (2002-2004), Christophe Bouchet, ne fut pas en reste. Il avait manifestement très bien compris comment actionner ce puissant levier pour s’attirer les bonnes grâces des supporters. « Comme Marseille, l’OM s’est heurté au centralisme. L’affaire VA-OM, c’est ça. C’est la combinaison de la Ligue, de la justice et du pouvoir politique. Et, pour le compte, il y a vraiment eu complot. Ce n’est pas une paranoïa marseillaise. » Une confession faite au moment où Bouchet réclamait à la FFF une restitution du titre de champion de France 1993, jamais attribué en raison de l’affaire. Demande déposée symboliquement le 26 mai 2003, mais rejetée quelques jours plus tard par l’instance nationale, ce qui n’a pas manqué d’alimenter la haine que se vouent les supporters des deux clubs depuis plus de dix ans.

Sur le site Internet Anti-LNF, les Marseillais ont ainsi pu réaffirmer leur rejet de tout ce qui vient de Paris. Dans une chronique parue dans le mensuel le Foot en juillet 2003, Jocelyn Angloma s’élevait contre la demande du président Bouchet. « Ce titre a été sali, il ne faut plus en parler et l’oublier. » […] Sur le site officiel de l’Olympique de Marseille, le titre de 1993 figure toujours au palmarès du club. Le malaise n’est pas dissipé !

La LNF « exagère » une sanction contre le PSG, pour le symbole

Quelques mois après ce fol été 1993, l’affaire VA-OM aura une nouvelle conséquence sur la vie du PSG. Le 22 avril 1994, la DNCG rétrograde l’OM en D2. Cette décision significative va logiquement conduire la LNF à se montrer intransigeante avec tous les clubs. Un mois plus tard, le Paris Saint-Germain est interdit de recrutement pour la saison à venir. Le problème financier du club parisien a beau être réglé en quinze jours, le PSG doit dégresser avant de recruter. La sanction pénalisera le club en vue, notamment, de la Ligue des Champions. En 1999, Noël le Graët est revenu sur cet épisode dans un entretien à L’Équipe Magazine.

Cette décision a surpris, et pour le moins contrarié, les dirigeants du PSG. […] Je l’avoue, la décision était exagérée, mais le PSG, de par la position de son actionnaire principal Canal+, partenaire privilégié du football français, se devait d’être encore plus irréprochable que les autres. La rétrogradation de l’OM peut paraître bien plus importante que cette interdiction, mais, avec le recul, c’était primordial, symboliquement, à ce moment précis, d’interdire le PSG de recrutement.

Doit-on associer le côté symbolique de la sanction à une forme de compensation ? […] L’OM s’est vue humilié, puis expédié à l’étage inférieur. Et à sa place, au sommet du football français, s’est installé l’ennemi, le PSG de Canal+.

L’OM victime, le PSG coupable

Pour la majorité des supporters marseillais, le doute n’existe toujours pas : dans l’ombre de la Ligue et de la justice, c’est le pouvoir parisien qui a tiré les ficelles. Rachid Zéroual, des South Winners, l’un des principaux groupes de supporters de l’OM, en est persuadé. « C’était la victoire de l’argent, d’un club superficiel fondé par le show-biz sur un club populaire. Paris et ses dirigeants voulaient notre place, ils l’ont dit et répété. Alors, ils nous ont mis dans la merde. »

La fracture est profonde, et « toujours pas refermée », selon Christophe Bouchet, qui ajoute : « Pour les Marseillais, à juste titre, la sanction venait de la Ligue, donc de Paris. La perte par Marseille du rôle historique de capitale du football a été ressenti comme une profonde injustice. »

Interrogé en octobre 1993 par l’hebdomadaire France Football, l’attaquant parisien David Ginola résumait ainsi ce dialogue de sourds quasiment sans issue : « Des gens influents à Marseille ont entretenu la rumeur que le PSG était à l’origine de l’affaire VA-OM. Le problème, c’est que cela s’est transformé en certitude pour les supporters de l’OM. »

L’OM mal-aimé, persécuté par les diverses instances nationales et le pouvoir central parisien : l’image fonctionne encore très bien chez les supporters, comme en témoignent les nombreux forums sur Internet. Chaque décision, justifiée ou non, de la LFP envers le club y est interprété comme une volonté de nuire au club et à la ville. Écorchés vifs, les fans de l’OM ? Ils ne sont pas les seuls. […] [José Anigo] insiste sur l’identité marseillaise, qui puiserait sa force dans le supposé rejet des élites de la capitale :

C’est clair qu’avant de me sentir Français, je me sens Marseillais. […] Paris représente la capitale. C’est une force, une puissance, et comme nous, nous sommes rebelles, eh bien on est contre ! En fait, je crois qu’on est contre tout et contre rien à la fois. On est délocalisés, loin des cercles de décision, loin de Paris, alors on se sent isolés, seuls contre tous.

Pour approfondir ce sujet, lire les passages que nous n’avons pas retenus et les dix autres chapitres développés par le livre, nous vous invitons à vous procurer PSG/OM, les meilleurs ennemis.

Notes

[1] Marseille disputera toute la saison 1993/1994 en première division, avant d’être rétrogradé en D2 la saison suivante.

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2 commentaires ont déjà été postés par nos lecteurs

  • #1

    Marseillais de passage
    25 mars 2009 20:11

    Tout le monde à Marseille qui a vécu cette histoire sait que c’est une affaire politique et que le psg n’a rien a voir la dedans. Maintenant il est certain que vu de chez nous, c’était un certain pouvoir venu de Paris qui prenait les décisions, mais aucun amalgame avec le club de paname. Ou alors par des gens ne connaissant pas bien l’affaire avec très peu de recul sur ce qui à pu se passer dans la réalité.

    Mais ne croyez pas que seul l’OM a acheté des matches, l’OM c’était le seul vilain petit canard a se faire prendre. Nuance.

  • #2

    ImForeverBlowingBubbles
    26 mars 2009 15:53

    J’ai toujours adoré cette méthode de défense : "oui, m’sieur l’juge, j’ai conduit bourré à 200 sur l’autoroute, mais vous savez bien que je suis pas le seul à faire ça"…

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