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Un joueur du PSG peut-il critiquer la presse ?
De la critique des médias au Paris Saint-Germain
dimanche, 28 juin 2009, par
En mai, la presse a fait ses choux gras de la guerre des clans dans le vestiaire du PSG |
Plus la saison 2008/2009 touchait à sa fin, et plus la presse bruissait d’informations livrées sous couvert d’anonymat au sujet du vestiaire parisien : deux clans s’y opposeraient, certains se seraient même battus [1] ! Privés d’interview car confrontés à un boycott des joueurs du PSG en fin de saison, les journaux spécialisés se sont consolés avec les coulisses agitées du Camp des Loges. Tous les jours ou presque, les joueurs découvraient un énième épisode de Dallas au PSG. Pour avoir dit son ras-le-bol après le dernier match de la saison, Sylvain Armand s’est fait démolir par tous les médias possibles, de L’Équipe à RTL en passant par le Parisien ou Le Foot Paris.
L’histoire commence avec la multiplication des articles sur « les clans dans le vestiaire du PSG » début 2009. Bref retour de ce qui s’est écrit avant de rentrer dans le vif du sujet : les déclarations d’Armand et les commentaires de certains journalistes.
Au-delà de la question de leur entraîneur, les joueurs ont dû faire face à une autre source de dispersion : les gros titres répétés sur les clans qui diviseraient en profondeur le vestiaire. Une thèse rabâchée, rabâchée, rabâchée… et rabâchée encore, notamment dans L’Équipe.
Le Parisien, de son côté, a soufflé le chaud et le froid. Le 14 mai, Dominique Sévérac dresse un tableau idyllique de la situation :
Le 16 mai, c’est Christophe Bérard qui se lance dans les paris :
Et pourtant, dès le lendemain, dans le même journal…
Après Frédéric Gouaillard, ce sont Sylvie De Macedo, Dominique Sévérac et Arnaud Hermant qui insistent les 21 et 25 mai :
Dominique Sévérac encore, le 24 mai :
Pour Paul Le Guen, dans son interview exclusive à L’Équipe le 29 mai, ces désaccords ont été largement surestimés :
Sébastien Bazin tancera également les journalistes de presse écrite — qui ne retranscriront pas ces paroles, diffusées sur Europe 1 — à la fin de la saison :
À lire la justification spécieuse avancée par Jérôme Touboul le 3 juin, on se demande d’ailleurs s’il est bien sûr de lui :
Mais que les joueurs parisiens ne protestent pas : il est interdit de souligner l’impact qu’a pu avoir sur l’unité du groupe la lecture quotidienne d’articles remuant d’éventuelles inimitiés profondes entre les joueurs, sous couvert d’anonymat. Sylvain Armand s’y est essayé. Résultat ? Il s’est fait démolir par tout ce que Paris compte de journalistes spécialisés.
Premier exemple avec la retranscription dans L’Équipe du 31 mai des propos tenus par Sylvain Armand en conférence de presse.
— Les joueurs se sont peu exprimés ces dernières semaines, notamment depuis l’annonce du départ de Paul Le Guen, qui a coïncidé avec une mauvaise spirale. Comment avez-vous vécu ces événements ?
— Les joueurs se sont peu exprimés parce que certaines choses qu’ils lisent ne sont pas faites pour arranger le club. Elles ont fragilisé le groupe. Ça faisait chier tout le monde de voir dans des articles qu’on parlait de clans dans le vestiaire. La responsabilité de cet échec, on la prend en entier mais, quand tout nous tombe dessus, ce n’est pas évident. Moralement, certains joueurs sont atteints. Ce n’était pas évident de finir ce championnat.
— La presse est donc responsable de la sixième place du PSG ?
— Ce que je dis, c’est qu’on a parlé de tout sauf de football depuis trois semaines. Voir qu’on ne parle jamais de foot dans les journaux, c’est lassant. Au bout d’un moment, il fallait parler football et laisser travailler l’équipe tranquillement. J’en veux à la presse, mais pas seulement à la presse. Peut-être qu’il aurait fallu attendre pour que certaines décisions soient communiquées. Au fond, ce soir, on paie les pots cassés de trois choses : les décisions des dirigeants, les articles des journaux et les prestations de l’équipe. Mais ça fait cinq ans que je suis ici et que je constate qu’avec la presse, ça se passe toujours pareil…
Admirez la relance de Jérôme Touboul après qu’Armand a expliqué, en réponse à une question, que les joueurs étaient lassés de lire certains articles dans la presse [2] : bien que le défenseur parisien ait ajouté spontanément qu’il prenait toute la responsabilité de l’échec, le journaliste reformule ainsi : « La presse est donc responsable de la sixième place du PSG ? » Et malgré les nouvelles précisions d’Armand — il en veut à la presse, parmi d’autres, pour avoir fragilisé le groupe en fin de saison, sans se chercher d’excuse [3] —, Touboul résume ainsi cette interview : « Sylvain Armand a brisé le silence, hier soir, pour estimer que les journaux étaient responsables du déclin du PSG. » Chapeau bas, l’artiste !
La précision très mal intentionnée du salaire d’Armand vous parait déplacée ? Rassurez-vous, ça aurait pu être pire : Bérard aurait ajouter, comme il l’a fait pour Landreau dans le même article : « et beaucoup plus avec les primes ». Pour mieux percevoir l’hypocrisie de cet article et ses motivations, consultez notre article qui lui est dédié : Quand le Parisien se tape trois joueurs du PSG (1/2).
Voilà donc le niveau auquel les principaux journalistes sportifs français réduisent le débat sur la presse : émettre une remarque sur une situation bien précise, c’est militer contre la liberté de la presse. Estimer que le traitement médiatique propre au Paris SG a pu influer sur la fin de saison, c’est vouloir bailloner les journalistes. La demi-mesure ? Connais pas !
La réponse de Dély illustre également le manichéisme ambiant : il s’agit de ne surtout pas évoquer le fond du problème soulevé par Armand, ni même de le citer pour les téléspectateurs qui n’auraient pas eu connaissance des propos du joueurs. Si Armand se plaint, c’est parce que le PSG a fait match nul contre Monaco le 30 mai, rien d’autre. Au fait, que disait le même Sylvain Armand le 14 mai — quinze jours plus tôt —, après une victoire au Mans, la seule du PSG en mai : « J’avais peur, surtout après notre défaite contre Rennes et les dix derniers jours où l’on ne parlait pas trop football quand il s’agissait du PSG. » Et que dit-il aujourd’hui ? « On a parlé de tout sauf de football depuis trois semaines. Voir qu’on ne parle jamais de foot dans les journaux, c’est lassant. Au bout d’un moment, il fallait parler football et laisser travailler l’équipe tranquillement. » Le défenseur parisien n’a donc pas attendu la fin de saison ou même un mauvais résultat pour tenir ce discours. Mais c’est tellement plus facile de balayer toute remarque d’un revers de main sans même prendre la peine de l’écouter…
Enfin, passons sur la conclusion parfaitement fallacieuse de Penot et Saccomano, qui réagissent comme si Armand avait tenu ces propos pour s’octroyer une heure de gloire médiatique, lui qui est sans doute plus connu que les deux journalistes réunis… Mais l’explication tient dans la conception qu’a Saccomano de son émission. En septembre dernier, dans L’Équipe, il développait ses principes :
J’ai toujours aimé la polémique, les gens qui allument ! Je ne citerai pas d’émissions mais il y en a qui invitent des « people » et ça dérègle tout, parce qu’ils ne connaissent pas grand-chose au football ; d’autre part, quand vous invitez des gens du foot, ils sont supérieurement langue de bois. Nous, en sept ans, on a fait venir deux dirigeants de club, Francis Graille, quand il était président du PSG, et Louis Acariès [l’homme de confiance de Robert-Louis Dreyfus à l’OM]… On avait beau les titiller, ils ne disaient rien ! Voilà pourquoi je ne veux que des gens de presse à mes côtés. Je veux qu’il y ait une liberté de ton qui est la marque de fabrique de l’émission… – … à laquelle colle aussi une étiquette de café du commerce… – Le café du commerce, ça a un côté vulgaire, alors que les gens que j’ai dans l’émission sont capables d’exprimer des choses réfléchies. Au café, les types ne connaissent pas le football, c’est la tchatche absolue, du type : « Tous vendus, tous pourris ! » Nous, on ne raconte pas ça quand même. – Beaucoup se plaignent du fait qu’il n’y en ait que pour l’OM, le PSG, Lyon… – Quelquefois, des mecs m’écrivent : « Vous ne parlez jamais de Nancy, du Mans… » mais le jour où Le Mans sera l’OM, j’en parlerai ! Il faut tenir compte de la passion qu’entraînent certaines équipes et pas d’autres. Lyon, l’OM, Bordeaux ou le PSG font parler parce qu’il s’y passe toujours des choses. – Vous vous retrouvez face à Christophe Pacaud qui anime Direct Sport sur Direct 8. C’est embêtant ? – Ça ne me dérange pas. Il fera une émission tout à fait différente de la mienne. Je connais bien Christophe pour travailler avec lui à RTL, il ne fait pas beaucoup de polémiques.
Voilà résumée la pensée d’Eugène : une émission basée uniquement sur la polémique, « les gens qui allument », sans jamais se préoccuper du fond ; croire et faire croire qu’« il se passe toujours quelque chose » à Paris ou Marseille — contrairement aux autres clubs —, alors que la réalité est tout simplement qu’on ne parle que de ce qui se passe à Paris ou Marseille ; s’estimer supérieurs parce qu’entre « gens de presse », et ne pas se rendre compte des énormités assénées à longueur d’émission.
Voir à ce sujet deux articles des Cahiers du Foot consacrés à l’émission et à Hervé Penot.
Alors que le mensuel publie longuement les propos de Sylvain Armand, Ferreira choisit donc à son tour de faire dire à l’ancien Nantais ce qu’il n’a pas dit, pour y répondre avec force arguments : à ce que je sache, c’est même pas vrai que les journalistes ils empêchent les joueurs de marquer, je te ferais remarquer, d’abord. Au moins, avec Christophe Bérard, c’était plus subtil.
Et pour que le tableau soit complet, l’interview d’Armand, dans laquelle le joueur déclare : « J’en veux un peu à la presse » est titrée : « Armand : “J’en veux beaucoup à la presse” ». Si ça ce n’est pas prendre les gens pour des idiots…
On notera également que Giuly, passé par Lyon, Monaco, Barcelone et la Roma, s’est lui aussi agacé de la presse en fin de saison, dans sa chronique hebdomadaire pour Les dessous du sport :
Nantes (re)coule en Ligue 2, avec un effectif que l’on dit coupé entre anciens et nouveaux joueurs ;
le président marseillais et son actionnaire s’allument par presse interposée pendant plusieurs mois, obligeant finalement Louis-Dreyfus à renvoyer Pape Diouf quelques mois après qu’il s’est séparé d’un entraîneur qui faisait l’unanimité pour une simple question d’impatience ; Anigo annonce son départ si Diouf est débarqué, mais reste finalement ; le nouveau président conditionne sa venue à l’arrivée de Jean-Pierre Bernès, condamné pour corruption active et initialement radié à vie par la FFF, puis accepte finalement de venir sans lui ;
Saint-Étienne se maintient de justesse malgré le cinquième budget de L1 ;
Lille renvoie brutalement son entraîneur en fin de saison malgré des résultats supérieurs aux objectifs… puis vire son directeur général, et rappelle l’entraîneur à peine déchu ! ;
Franck Dumas boycotte la presse et renvoie Caen à l’étage en dessous, le tout avec un vestiaire semble-t-il désuni ;
à Rennes, battu par le rival guingampais (L2) en finale de la coupe de France, l’entraîneur quitte le club un an et demi seulement après son arrivée, non sans avoir multiplié les accrochages avec ses joueurs cadres (Pagis, Wiltord) et la presse [4] ;
après avoir viré en fin de saison dernière le premier entraîneur qui réalise le doublé championnat-coupe de France de son histoire, Lyon conserve un entraîneur qui est le premier à… ne pas remporter de titre depuis huit ans, avec en prime une qualité de jeu qui s’est littéralement délitée et des recrues très onéreuses qui n’ont pas servi à grand chose cette saison ;
Le Mans change deux fois d’entraîneur en cours de saison ;
Monaco — le sixième budget — reste englué dans le ventre mou pour la quatrième saison consécutive, et voit son président quitter le club un an à peine après son arrivée, non sans avoir pris nombre de décisions controversées (le renvoi de Jean-Luc Ettori, l’arrivée de joueurs censés permettre à l’ASM une expansion internationale… même les Ultras Monaco se sont mis en grève).
etc.
De là à conclure qu’il se passe à Paris des choses extraordinaires qui n’ont jamais lieu ailleurs… À l’inverse, dans la capitale, même des non-événements suffisent parfois à alimenter le délire médiatique. Le 13 mai, Jérôme Touboul publie ainsi un article intitulé « Le PSG et ses non-dits », dont le chapô est ainsi rédigé : « Un entraîneur qui ne réagit pas, un capitaine qui compte rester mais qui n’en parle pas : Paris aborde en silence le sprint final. » Rendez vous compte : l’entraîneur refuse de « balancer » avant la fin de la saison, et un joueur n’officialise pas son avenir. Si avec ça c’est pas la crise au PSG…
D’autre part, le désintérêt total des médias pour ce qui se passe dans le reste de l’Hexagone est lui-même source de déséquilibre : si les journalistes spécialisés sont tombés des nues en apprenant le départ forcé de Rudi Garcia une fois la saison terminée, c’est précisément parce que personne n’avait enquêté au Losc. Ce n’est donc qu’une fois la saison terminée, et le départ de Garcia connu, que ses problèmes relationnels furent évoqués. Tout débute dans L’Équipe du 2 juin :
Le lendemain :
Quelques jours plus tard, l’ancien entraîneur lillois s’exprimera sur Canal+ Sport (propos retranscrits par Aujourd’hui Sport le 9 juin) :
Et finalement, Garcia sera rappelé…
Même chose au SMC. « Caen vaincu par les clans » : voilà le titre d’un article publié le 1er juin dans L’Équipe, après le terme de la saison :
À Nantes, c’est le président Kita qui balance, le même jour dans le même journal :
[1] « La rumeur a même fait état d’une bousculade entre Parisiens après le match. Une gifle serait même partie. Une version vite démentie. » (Aujourd’hui Sport du 25 mai 2009)
[2] Interrogé sur le silence des joueurs, Armand précise : « Est-ce que ça aurait arrangé quelque chose de votre part [si les joueurs étaient venus parler à la presse] ? Moi, je ne pense pas. Ça fait cinq ans que je suis ici, dès qu’il y a une déclaration, elle est mal interprétée ou on en fait toute une page. Honnêtement, c’était ce qu’on s’est dit, ne pas parler et se concentrer comme on l’avait fait avec le départ du président Villeneuve. Ça avait plutôt bien marché et là on s’était dit la même chose, mais quand vous voyez des choses qui atteignent certains joueurs, mentalement c’est difficile à gérer. »
[3] La vidéo en ligne sur le site du Parisien nous montre qu’Armand a bien insisté sur la responsabilité des joueurs : « On rate l’objectif nous-mêmes, en faisant des cadeaux. C’aurait été plié beaucoup plus tôt si on avait été un peu plus rigoureux sur certains points. […] La responsabilité de cet échec, on la prend entièrement, parce que c’était à nous d’aller chercher la qualification sur le terrain, de faire abstraction de tout le reste. Mais quand le dernier mois tout nous tombe dessus, ce n’est pas évident. Donc on ne cherche pas d’excuses ce soir, parce que encore une fois on avait notre qualification entre nos pieds, mais c’est vrai que tout ce qui s’est passé ça a fragilisé le groupe. Moralement, ça a atteint certains joueurs, il faut le reconnaître aussi. »
[4] Guy Lacombe s’est notamment fendu d’un communiqué demandant à bénéficier de la même clémence de la part des médias que ses collègues marseillais et parisien, alors que ceux-ci faisaient l’objet d’une attention évidemment bien supérieure à lui. En fait, un petit article paru dans L’Équipe avait contrarié l’entraîneur à moustache, et ce fut suffisant pour déclencher chez lui une crise de paranoïa aigue. Plus tard, il accusera la presse de manipuler le public concernant Pagis.