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Zlatan Ibrahimovic ciblé par les ministres ?
Quand Ibra et le PSG dérangent
mercredi, 25 juillet 2012, par Arno P-E

Alors que le géant suédois vient de rejoindre à New York ses nouveaux coéquipiers, revenons sur ce qui a défrayé la chronique la semaine passée : le montant du salaire de Zlatan Ibrahimovic. Au moment où les réactions outragées s’empilent, PSGMAG.NET tente de prendre un peu de hauteur.

À la sortie du conseil des ministres du mercredi 18 juillet, plusieurs ministres sont venus donner leur avis quant au salaire annuel perçu par Zlatan Ibrahimovic au PSG. La ministre des sports, Valérie Fourneyron, a notamment déclaré : « Ces sommes, elles sont astronomiques, déraisonnables. Elles sont à l’image de ce qu’on peut déplorer dans le secteur du football, c’est-à-dire l’absence de toute régulation et des déficits qui s’accumulent sur le plan européen. » Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, lui emboîtera d’ailleurs le pas : « Le montant du revenu touché [par Ibrahimovic] a choqué beaucoup de gens. »

Mais plutôt que de prendre le problème par le bout de la lorgnette, et de camper sur un jugement spontané, peut-être serait-il judicieux de se poser quelques questions, afin d’élargir le débat. Tout d’abord, le cas des salaires dans le football français. Certes, celui du nouvel attaquant parisien semble déraisonnable, et choquant. Mais est-ce le seul ? Et à partir de quel niveau des revenus peuvent-ils être qualifiés d’indécents ? Ensuite, nos ministres ne devraient-ils pas se poser la question plus générale des salaires dans le sport, plutôt que de se limiter au ballon rond, voire au PSG ?

Qu’est-ce qu’un salaire déraisonnable ?

Inutile de jouer sur les mots, même le plus acharné des supporters du PSG le reconnaîtra : un salaire net de plus d’un million d’euros par mois, c’est astronomique, et déraisonnable. Comment alors ne pas donner raison à la ministre des sports. On nage ici dans des sphères où la passion a depuis longtemps pris le pas sur la raison, mais quiconque connaît le milieu du football français peut aussi mettre en perspective ces émoluments et leur donner quelques points de comparaison.

En Ligue 1, plusieurs clubs ont décidé de fixer des plafonds de salaires. Lors d’une visite à l’Insep, le président François Hollande donnait Montpellier comme exemple de réussite sportive avec un budget minime : « J’ai fait en sorte qu’il y ait des règles fiscales concernant les salaires mirobolants et cela s’appliquera partout, même dans les clubs. Et puis, Montpellier, qui n’est pas le plus grand budget de la Ligue 1, a bien réussi à être champion de France… » Bon exemple puisque le club héraultais plafonnait les salaires à 100 000 € brut par mois… avant que Nicollin ne concède le 19 mai 2012 à L’Équipe qu’il allait augmenter certains joueurs jusqu’à 150 000 € afin de les retenir. Ces salaires représentent tout de même huit fois celui du président de la République [1] ! Alors, mirobolants les revenus montpelliérains, ou pas ?

Même ceux que les politiques voudraient faire passer pour de bons élèves comptent dans leurs rangs des footballeurs aux salaires indécents. Pour se faire une idée générale, on peut analyser d’autres indicateurs. Dans son dernier rapport, la DNCG révèle que la rémunération moyenne des joueurs de L1 dépasse les 37 000 € mensuels. Soit plus de deux années de Smic brut.

Faut-il s’en plaindre, plafonner les revenus comme le suggérait la ministre des sports, c’est un débat… Mais en tous cas, on ne peut laisser croire que ce souci se limite au seul PSG.

Une perspective mondiale effarante

Le problème est global, et l’indécence généralisée. En France même, Yoann Gourcuff touche à Lyon près de 7 M€ par an d’après L’Équipe Magazine. Qui en parlait lors de sa signature ? À partir de là on peut se demander pourquoi nos ministres pointent du doigt Zlatan Ibrahimovic… Le Suédois ne change finalement pas grand-chose à l’affaire : en matière de salaires choquants, le football français nage en plein délire depuis bien longtemps.

Mais c’est sans parler des sportifs évoluant à l’étranger : par exemple, le sportif français le mieux payé, Franck Ribéry, toucherait plus de 11 M€ par an. Sauf qu’il ne rapporte pas un centime à l’État, vu qu’il joue à Munich. Le jour où un investisseur privé comme QSi permettra à un joueur international français au salaire choquant, mirobolant et déraisonnable de revenir en France, la nouvelle sera bonne pour les supporters, mais aussi les contribuables. Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, le soulignait d’ailleurs, se déclarant « ravi qu’Ibrahimovic paie des impôts en France ».

Ce qui détonne, c’est la différence de discours politique entre Ibrahimovic, et d’autres sportifs. Dès le lendemain de ce fameux conseil des ministres, la une du quotidien sportif français interpellait. En bandeau, L’Équipe titrait :

Un contrat en or pour Batum
Depuis 2008, Nicolas Batum joue avec Portland. Son nouveau contrat avec les Trailblazers lui permettra d’empocher, en quatre ans, environ 38 millions d’euros.

Un salaire annuel de 9,5 M€, sur lequel l’État français ne touchera pas un centime. Et là en revanche, silence radio. Si mesdames Fourneyron et Vallaud-Belkacem se sont étranglées au dessus de leur tasse de café à la lecture de cet article, elles n’ont pas cru bon de le faire savoir. Pourquoi ? À croire que Nicolas Batum, qui touche d’ailleurs encore moins que Tony Parker et Joakim Noah, ne choque personne. Il faut dire que lui ne joue ni au football, ni même au PSG, et ne permettrait peut-être pas à un ministre de bénéficier des lumières complaisantes des médias.

Pour la petite histoire, cette semaine Nicolas Batum part à Londres représenter la France et… défendre les valeurs du sport amateur lors des JO. Savoureux, non ?

[1] Le salaire brut annuel du président de la République française est de près de 180 000 €.