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[Billet] OM-PSG : des mots et des maux
[Billet] OM-PSG : des mots et des maux
mardi, 22 mars 2011, par Arno P-E

Alors que le PSG vient de subir un revers en terres marseillaises, deux jours après s’être fait sortir de la Ligue Europa, il est bien difficile de trouver la force de rebondir. Et puis après tout, pourquoi ne pas accepter de se laisser aller à un temps de déprime ? Avec la trêve internationale, on a bien le temps de penser à remonter la pente. Plus tard. Là, puisque nous sommes tout en bas, profitons-en pour nous reposer un peu, et dresser un petit bilan.

Après une défaite, chacun réagit à sa façon. Certains se ruent sur leur téléphone pour tenter de faire partager à des radios leurs jugements définitifs. Ils ont besoin de parler, d’exposer, de lâcher ce qui leur paraît avoir failli. Le coaching, l’attaquant qui ne cadre pas, le gardien trop avancé, le remplaçant qui ne remplace pas, les supporters sous-portés…

Pour d’autres au contraire, il faut tout refermer. On se barricade, on débranche la radio, on évite les forums. Tout ça dans l’espoir de ne pas avoir à affronter un dégât collatéral de l’échec. À titre personnel, j’avoue faire partie de cette deuxième catégorie. Devoir entendre un autre fan du PSG expliquer que untel a mal joué, juste après une défaite ça m’est impossible. Même si je partage son avis, de se reprendre la réalité dans la gueule, d’y retourner, c’est trop dur.

Dimanche, pourtant, je n’ai pas éteint ma télévision au coup de sifflet final. J’ai tout subi. Dugarry qui explique sans rigoler que les attaquants non réalistes, c’est pas bien. Venant de l’homme qui a été formé à Bordeaux et a donc cru toute sa carrière que vendanger une occasion était un compliment, ça fait bizarre. Mais pas autant que Simone, l’égoïste par excellence, quand ce dernier balance que la camaraderie est une vertu essentielle chez un footballeur. Même l’interview de Robin Leproux au micro de l’excellent Olivier Tallaron, je l’ai subie [1].

C’est très frustrant de perdre un clasico. Pour nous, c’est une semaine difficile, après l’élimination contre le Benfica jeudi en Ligue Europa. J’ai trouvé les joueurs très émoussés, surtout en deuxième mi-temps. Il y a de la frustration, car on avait des balles d’égalisation. L’objectif de la deuxième, troisième place, n’a jamais été un objectif réaliste au vu de notre effectif. On est en nette progression cette saison. Il faut quand même se souvenir que l’on a terminé treizième l’an passé. Maintenant, si on peut terminer dans les cinq premiers et conserver notre coupe de France, on pourra préparer une très belle saison. Moi, ce que je veux c’est voir un PSG qui progresse sportivement et c’est le cas.

Jusqu’au bout je l’ai subie. Et là, avec le recul, je me demande bien pourquoi. Qu’est-ce qui a changé lors de ce Marseille-PSG ? Pourquoi me suis-je retrouvé comme anesthésié, incapable de couper et de me protéger ?

Sur le moment, j’avoue que j’ai eu envie de sauter à la gorge du président du PSG. Parce que d’entendre le plus haut dirigeant de mon club expliquer en creux que finalement, il n’a jamais cru au titre, ni même à la qualification à la Ligue des champions, ça m’a retourné le cœur. J’étais figé, comme perdu dans mon corps immobile, avec l’envie de hurler… Lui hurler dessus. Lui hurler que moi, avant ce soir, j’y croyais. Que je me suis battu pour ce titre. Que tous ces textes, écrits tard le soir, que tous ces matches, au creux de l’hiver, que depuis la reprise, tout ce que j’ai fait c’était parce que j’y croyais à ce titre. Sinon à quoi bon ?

Je n’ai pas envie d’être cinquième. Je me fous que ce soit la place que lui a budgétée. Il reste un quart du championnat et je m’en fous. Je suis devant ma télé, il est tard, l’ahuri qui présente l’Équipe du dimanche s’agite. Qui fait-il rire ? N’a-t-il donc pas d’ami pour lui expliquer qu’il fait honte à ceux qui doivent avouer le lendemain que c’est à l’EDD qu’ils ont vu les buts européens ? J’ai mal au cœur. Je reste là.

Bien sûr, j’ai compris avec une nuit de sommeil et un temps de réflexion que le discours de Leproux était en fait le bon. Que voulez-vous qu’il dise d’autre ? Qu’il faut couper des têtes ? On a vu le résultat. Après son abjecte campagne, le Parisien a enfin obtenu celle d’Edel. Deux buts en autant de tirs cadrés plus loin, on peut tirer notre chapeau aux apprentis sorciers. Mais eux n’ont pas honte : comptant ad nauseam sur l’amnésie de leurs lecteurs, le quotidien est passé de « Grégory Coupet est un gardien d’expérience, performant à chaque fois qu’il dépanne, notamment en coupe de France » [2] à « on est en droit de se demander si Coupet a totalement rassuré son entraîneur » [3], le tout en l’espace de trois jours. Ce gardien systématiquement « performant » a selon eux finalement livré contre Marseille une prestation « mitigée ». Mais ça n’est pas grave, la vie continue. Tant que les lecteurs gobent.

Sauf que voilà : le Parisien peut se consulter librement sur le web… Mais même gratis, vu le niveau on pourrait finir par se demander si le rapport qualité/prix ne serait pas encore trop faible.

Aurait-il fallu alors que le président Leproux cogne du poing sur la table ? À quoi bon… Regardez Hoarau. Le buteur plein de confiance d’il y a deux saisons est mort. Seul son fantôme se traîne sur les terrains. Il n’ose plus frapper. Il n’ose plus faire un seul appel, ou demander la balle. Il n’ose même plus parler à un de ses coéquipiers… Plus de prise de risque, plus de joie. Il n’ose même plus sourire. Ce gars est international, il a réussi sa carrière comme il a dû en rêver mille fois, comme moi, enfant, je n’ai jamais osé le rêver, il joue pour le PSG dans des stades pleins à craquer, et il n’ose même plus sourire…

Qu’est-ce que vous voulez gueuler sur un Guillaume Hoarau ? Il a toujours mouillé le maillot, il a toujours été droit. Je crois vraiment que ce garçon fait de son mieux mais là, mentalement, il est cuit. Depuis mon canapé je le regarde. Son teint olivâtre, ses yeux caves. Il court dans le vide et se replace, bras ballants. Hoarau est devenu trop grand, trop dégingandé. Ses gestes englués le plongent dans un de ces cauchemars dont vous tentez de vous échapper au ralenti. Je le regarde se retourner vers l’arbitre, comme s’il l’implorait. Je suis dans le même cauchemar que lui. Je ne sais pas pourquoi… Veut-il une faute ? Il a loupé son contrôle tout seul. Il était seul. Que demande-t-il à l’arbitre, qu’attend-il de lui ? Une expulsion ? La promesse d’un ailleurs ? Je vois Hoarau marcher vers son camp. La fin de ce calvaire ? Je vois Hoarau et je me demande comment notre rêve parisien a pu se muer en torture.

À quoi bon lui botter le cul ? Hoarau est au-delà de ça. J’espère qu’il redeviendra celui qu’il était. Je ne lui demande pas plus qu’auparavant : qu’il se contente de tenter, et d’être heureux. Qu’il revienne. C’est un joueur et un homme que j’apprécie. Personne n’exige de lui des miracles. Mais là, je le crois malheureux et nous aussi. C’est dur.

Et Leproux n’est pas fou. S’il a cru comme chacun que le PSG pourrait viser tout en haut, s’il a pensé il y a quelques semaines qu’avec un tout petit peu de réussite, ça pourrait bien pencher de notre côté… aujourd’hui, à quoi bon l’avouer ? Rajouter de la déception à la déception. Sur le moment je n’ai pas compris, j’y ai vu un manque d’ambition. Là, je me souviens de cette image, quand il saute de joie sur l’égalisation du petit Chantôme, si précieux. Il ne visait pas la cinquième place, là.

Ce discours de Leproux, c’était juste un morceau de réalisme. Et il lui a sans doute fallu pas mal de courage pour aller sortir ça devant une caméra, juste après la défaite, avec la boule au ventre.

Alors pourquoi tout ça ? Pourquoi m’être infligé cet après-match, pourquoi avoir compris la posture pondérée du président Leproux ? Parce que j’ai ouvert les yeux sur ma peine. Ça fait dix-sept ans que je me bats pour ce titre de champion. Dix-sept saisons que j’espère cette joie, que je l’imagine. Dix-sept fois qu’à mon niveau, supporter, rédacteur, je tente d’y participer. Dimanche soir, j’ai compris que c’était foutu pour cette saison. Dix-sept ans. Je vais en avoir trente-cinq d’ici peu. Il faudra attendre encore au moins un an. Le calcul est vite fait. L’année prochaine j’aurais passé la moitié de ma vie à attendre que mon club, ce club que j’aime plus que tout, me rende un peu de ce que je lui ai donné. La moitié d’une vie.

En fait, dimanche, je n’avais pas la force de partir. La vérité était sous mes yeux, et je n’ai pas réussi à les fermer. La vérité, c’est que j’avais juste envie de pleurer.

Crédit illustration : Calmann-Lévy, amazon.fr

[1] Retranscription lequipe.fr.

[2] Le Parisien, vendredi 18 mars 2011.

[3] Le Parisien, lundi 21 mars 2011.