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Didier Deschamps au PSG ? Et puis quoi encore ?
Analyse de la rumeur de la semaine dans {L’Équipe}
vendredi, 10 octobre 2008, par
Après Ronaldo, le journal L’Équipe voit Deschamps signer à Paris ! |
Est-ce pour nous préparer psychologiquement à la venue de deux concurrents consacrés au sport, mais au format tabloïd, que L’Équipe se sent obligé de donner dans le trash-journalisme ? Ou bien serait-ce la chute des cours de leurs actions OL Coiffure qui perturbent Jérôme Touboul et Damien Degorre ? Quoi qu’il en soit, à peine éteints les derniers rires provoqués par leur splendide numéro d’humoriste — le fameux sketch « Ronaldo à Paris » — les journalistes de L’Équipe reviennent pour une tournée nationale avec leur dernier duo : « Paris piste Deschamps ». Découvrez le making-of de l’article qui défraye la chronique.
Pour une fois, la crise automnale ne touche pas que le PSG. Chute des ventes [1], apparition d’une concurrence [2], changements à répétition dans la cellule de direction [3], investigations en cours [4]… Bref, le pour-l’instant-seul quotidien sportif français ne voit pas l’avenir d’un œil apaisé. Pour attirer une clientèle et assurer ses arrières, le journal d’Issy-les-Moulineaux adopte une nouvelle stratégie marketing. La formule offensive chère au personnage du film Podium retenue par L’Équipe s’adapte désormais à un public très ciblé : afin d’assurer une bonne audience, le comité de rédaction a décidé depuis quelques semaines de raconter n’importe quoi… et les journalistes suivent la consigne avec application.
Jérôme Touboul et Damien Degorre, journalistes élevés au rang d’icônes au sein du Parc des Princes, incarnent ainsi la nouvelle ligne éditoriale. Pour preuve leur dernier article : Paris piste Deschamps. Tout d’abord, dès la première phrase, l’accroche :
Après, dire quand au juste ça se fera… peut-être demain, dans une semaine ou dans un an : là, impossible de l’affirmer. Mais en revanche, ce qui est sûr, c’est qu’avant aujourd’hui jamais on n’avait été aussi près de cet événement futur. Comme de tous les évènements futurs d’ailleurs : Touboul n’a par exemple jamais été aussi proche du jour où il quittera L’Équipe (au hasard). Mais revenons au cas du champion du monde 1998.
Jérôme et Damien, qui devaient eux avoir de sacrées notes à l’école de journalisme, en sont persuadés : il est possible que Villeneuve ait approché Deschamps, mais de manière incertaine.
En gros, ils ne savent rien quoi.
Dans le Parisien ce vendredi, Charles Villeneuve commente cette rumeur : « Manifestement, depuis que je suis au PSG, je me rends compte que beaucoup de gens cherchent à nous déstabiliser, notamment dans le cadre de mes rapports avec Paul Le Guen. Derrière le titre « Deschamps tout près de Paris », il n’y a pas un seul fait probant, ce ne sont que des hypothèses. Je démens quelque chose de purement spéculatif. C’est ahurissant ! Dès qu’il y a des défaites, hop, Villeneuve va tout changer ! Moi, je ne suis pas comme ça, je ne suis pas un destructeur. Je n’hésite pas à prendre des décisions, mais avant, je réfléchis, j’écoute et je n’ai pas besoin d’un cercle de conseillers. […] Dans cette affaire, il n’y a ni fumée ni feu. On me prête tout le temps plein d’histoires, qu’est-ce que j’y peux ? Il y a deux semaines, j’étais en contact avec David Dein (NDLR : l’ancien Directeur général d’Arsenal) pour préparer l’arrivée d’Arsène Wenger, j’étais en même temps à Abu Dhabi pour trouver des fonds. Aujourd’hui, c’est Deschamps, et demain, ce sera quoi ? Fabio Capello ? Marcello Lippi ? »
Et je vous raconte pas à quel point les articles de notre duo du même genre que celui d’aujourd’hui peuvent « nourrir les fondations ». Elles en sont limite obèses les fondations des plans du patron de L’Équipe depuis que Ronaldo va signer au PSG !
Le nombre de gars qui dirigent dans l’ombre le club de la capitale, ça fiche les jetons. Un complot digne de 24 heures Chrono.
Alors évidemment, si personne n’y met du sien, on ne va pas avancer là !
Ce qui en revanche est certain, c’est que Villeneuve a démenti. Il faut noter ici l’emploi d’un joli modalisateur, avec le « bien sûr ». Genre : Le président du PSG a démenti, enfin bon, « comme de par hasard » (clin d’œil appuyé). Genre : nous autres lecteurs de L’Équipe qui sommes si malins, on se doute bien que s’il dément, ça veut dire qu’en fait il est d’accord…
Touboul devrait se méfier : avec ce genre de raisonnements vaseux, il va finir par se retrouver à expliquer à une jolie fille qui viendrait de le gifler à la fin d’une soirée arrosée que lorsqu’elle disait « non » (bien sûr, officiellement), lui en fait il se disait que ça signifiait peut-être « oui »…
Parce que si ça trouve, mais ce serait fou comme idée, peut-être que Villeneuve a nié vouloir recruter Deschamps, juste parce qu’il ne souhaite pas recruter Deschamps. Vous étiez prévenus, c’est une thèse osée : le président qui, lorsqu’il dit non, veut vraiment dire non…
Passons rapidement sur le passage édifiant où les Laurel et Hardy de la presse sportive évoquent les hypothétiques aspirations de Didier Deschamps. En gros, DD, qui n’est pas si stupide qu’il peut en avoir l’air sur Canal +, préfèrerait quand même entraîner l’Équipe de France trois jours par mois, et que si tu te plantes on te prolonge ton contrat quand même, plutôt que d’aller se galérer au Paris SG avec une énorme pancarte d’ex-joueur de l’OM plantée dans le dos. Seulement voilà, si Didier le volubile n’a aucune envie de rejoindre le club parisien, l’article ne marche plus, donc on n’aurait qu’à dire qu’il a un peu envie de venir quand même.
Voilà, on peut reprendre…
Bon, juste en passant : Deschamps a tout de même porté 103 fois le maillot bleu. À ce compte-là, des internationaux croisés une fois dans un vestiaire de Coupe des Confédérations il doit quand même y en avoir un paquet. Pas sûr que l’argument de Touboul soit si surpuissant que ça en définitive…
Donc là, il est possible que Giuly et Makélélé aient envie de voir Deschamps signer à Paris. Mais c’est pas certain. Bah ça c’est du journalisme, ou je ne m’y connais pas. Merci Jérôme, merci Damien !
Dans cette veine, la conclusion de l’article est un petit bijou de circonvolutions, d’hypothèses, de tournage autour d’un pot dont on ne sait pas vraiment s’il est bien là ou s’il ne serait pas plutôt ailleurs.
La seconde partie de cette magnifique page reste du même tonneau. On y apprend tout un tas de révélations cruciales.
Y a-t-il un club d’Europe où le coach ne risque pas de se faire virer ?
C’est là que l’on comprend qu’ils aient eu besoin de s’y mettre à deux pour rédiger ces articles : pour sortir des platitudes pareilles, il fallait au moins ça.
Non, d’après nos journalistes en fait Le Guen fait comme à l’école maternelle : dans son équipe il ne prend que ceux de sa bande, et pis tant pis pour les autres qui sont trop méchants ! Et donc c’est ça la déontologie à L’Équipe ? Ca donne envie de soutenir la liberté de la presse, tiens…
Oui, « un peu trop souvent » : il l’a quand même dit une fois, lors de la signature de Kežman, précisant dans la foulée qu’il ferait tout pour mettre le buteur serbe dans les meilleures conditions. Alors un peu trop souvent, c’est une question d’appréciation, mais tout de même, de là à y faire rentrer le cas « une seule fois »…
Sur Europe 1, Villeneuve revenait une nouvelle fois sur son entente avec l’entraîneur parisien : « Il n’y a pas de désaccord entre Paul Le Guen et moi. Je ne vais pas répéter sans arrêt toujours la même chose ! Vous faites Voici ou vous faites L’Équipe ? Vous ne faites pas votre travail, le papier n’apporte aucun fait précis sur le contact avec Deschamps. Maintenant vous me parlez de différends qu’il pourrait éventuellement y avoir entre Paul Le Guen et moi… […] L’information c’est quoi ? J’ai rencontré Deschamps, directement ou indirectement. C’est faux. Ni lui, ni ses proches, ni ses arrières-parents, ni ses grands-parents, ni son fils, ni sa femme, ni ses neveux, ni personne. […] »
Pour le reste, si messieurs Touboul et Degorre « peuvent interpréter » tout cela, alors tant mieux pour eux. Reste la conclusion :
Alors qui est cette source ? Un supporter interrogé tout près du Camp des Loges ? Le gars qui s’occupe de repasser les chaussettes de Camara ? Le comptable du bureau 427 du siège du Paris Saint-Germain ? Mystère. Quand une source est menacée de mort comme celle-là, on protège son identité : c’est que Jérôme Touboul et Damien Degorre ont une éthique à respecter. On ne transige pas avec ces valeurs-là.
À part quand on a du papier à vendre, bien sûr. [5]
[1] Les ventes de L’Équipe ont baissé de -7,8 % en 2007, puis encore de -1,35 % sur les huits premiers mois de cette année, malgré l’Euro et les JO.
[2] Alors que L’Équipe était en situation de monopole depuis 1988 et l’échec du pari Le Sport — torpillé par L’Équipe —, les prochains mois verront les apparitions des quotidiens sportifs Le 10 Sport — lancé par Michel Moulin et Alain Weil — et Le Foot. Pour y faire face, le groupe Amaury — éditeur de L’Équipe, le Parisien et France Football — lancera également un quotidien sportif low-cost, dirigé par Karim Nedjari. On comptera donc bientôt quatre quotidiens sportifs, alors qu’il n’y en avait qu’un seul depuis vingt ans ! De son côté, L’Équipe travaille toujours sur sa nouvelle formule, prévue pour juin 2008 et repoussée sine die depuis…
[3] On notera notamment les départ successifs, en 2008, du Directeur général Christophe Chenut, du Directeur des rédactions du groupe Claude Droussent puis du Directeur de la rédaction du quotidien sportif Michel Dalloni…
[4] Une enquête sur le journal, La face cachée de L’Équipe, vient d’être publiée — ce mercredi 9 octobre — aux éditions Danger public.
[5] Conclusion de Charles Villeneuve, sur Europe 1 : « Comme ils ont peur que l’information leur pète finalement au nez, ils sortent le truc au conditionnel, mais appuyé sur aucun fait établi. C’est classique, la presse people ne fait que ça, tout le temps. »