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[Billet] PSG 3-1 Brest : le supporter-insupportable
Le carnet du supporter, par Arno P-E
L’élégance parisienne en action
mardi, 7 décembre 2010, par Arno P-E

Gagner un match, c’est bien. Mais se montrer tellement désagréable que les pauvres visiteurs qui auraient eu la malchance de se trouver à vos côtés décident au coup de sifflet final de ne plus jamais remettre les pieds au Parc des Princes… c’est mieux.

Certains matches sont propices au déplacement en masse d’autochtones au teint rougeaud et aux goûts vestimentaires discutables. Quand Paris affronte des équipes portugaises, par exemple. Ou bretonnes. Bref quand il y a une importante communauté étrangère dans la région. Hier, en combinant le fait que Brest n’avait plus joué au Parc depuis vingt ans avec le boycott induit par le plan Leproux, toutes les conditions étaient réunies pour que les amateurs de crêpes au sucre débarquent en force. L’occasion pour nous de prouver tout le savoir-recevoir à la parisienne. Histoire que personne ne rentre à la maison déçu de sa soirée.

Première étape pour faire chier du Breton, repérer sa cible. Hier, ce n’était pas très difficile : les visiteurs s’étaient éparpillés dans toutes les travées du stade, aussi y avait-il de fortes chances pour que le gars un peu trop nerveux assis à quelques sièges de vous soit un de ces si sympathiques représentant du peuple celte. Car tordons une fois pour toute le cou à cette idée reçue : le supporter du PSG n’est pas forcément xénophobe.

L’expérience de quelques années passées au sein des tribunes parisiennes aidant, je crois pouvoir dire que les habitués du Parc savent se montrer respectueux des traditions et des spécificités de chaque club visiteur. Du moment qu’ils ne nous font pas chier avec leurs costumes régionaux à la con, leur musique de merde ou leur cuisine dégueu, nous sommes tout ce qu’il y a de plus tolérant à Paris.

Première phase donc, le repérage. L’autochtone aime à arborer fièrement ses couleurs. Mais bon, même s’ils boycottent, il paraît qu’au PSG les supporters sont tous violents donc on va camoufler l’écharpe rouge sous le col du manteau, et ré-enrouler le drapeau breton. On ne sait jamais.

La règle d’or pour les Parisiens : surtout, ne fixez pas trop longuement le Breton. Se sentant repéré, il ne tarderait pas à revendiquer son statut. Alors que si vous laissez planer le doute, vous pourrez savourer la phase 2.

Il s’agit de la fraternisation. Faites comme si vous pensiez que le visiteur du jour était lui aussi fan du Paris Saint-Germain. À ce titre, partagez donc vos judicieux jugements sur la médiocrité du milieu de terrain adverse. Chaque fois qu’un visiteur rate la moindre passe, hochez la tête d’un air réprobateur en prenant à témoin votre voisin. Croyant que vous le prenez pour un supporter local, il se sentira obligé de jouer la carte de la complicité.

Dimanche par exemple, voilà ce que cela a pu donner avec le duo arrivé juste après le coup d’envoi, pas tout à fait assez enclins à s’enthousiasmer sur l’ouverture du score de Nenê à mon goût.

Eh bien, quel but ! Heureusement que vous n’êtes pas arrivés trois minutes plus tard : vous le loupiez. Ça aurait été dommage. Non parce qu’avec leur stratégie défensive d’épiciers, c’est pas dit qu’on voit d’autres buts ce soir. Les pauvres, ils ont vraiment un entraîneur pourri, ils doivent se faire chier quand ils regardent les matches de leur équipe… Enfin bon, pas sûr qu’ils captent Canal+ là-bas, de toutes façons.

Phase trois, se trouver le bouc émissaire. Pas de finesse ici, l’objectif c’est juste de se montrer le plus lourd possible, en insistant sur un joueur adverse. Bonne foi et honnêteté intellectuelle à ranger au placard : qu’il réussisse son action ou pas, critiquez. Et toujours en prenant à témoin votre nouvel ami. Ami dont le sourire se fige inexplicablement en une sorte de grimace crispée au fur et à mesure que vous débitez des horreurs à propos de votre bouc émissaire…

Dans l’équipe de Brest, le dénommé Grougi avait la malchance de porter à la fois le numéro 6, un maillot bleu ciel et un catogan. Pour ceux qui ont connu la L1 de la fin des années 1990, cela ne pouvait évoquer qu’un souvenir : le Strasbourgeo-Havrais Teddy Bertin. La victime était toute trouvée…

— Eh dites donc, vous trouvez pas que leur numéro 6 il ressemble trop à Teddy Bertin ? — Bah… — Attends… Mais si regarde, il est coiffé pareil en plus ! — Mais… — Peut-être que c’est lui ? Faut l’appeler, s’il tourne la tête c’est que c’est lui. HEY TEEEEEEDDDYYYYY ! — ??? — Alors ? Il a tourné la tête ? J’ai pas bien vu. Vas-y, crie son nom, moi je regarde. — Euh… — En tous cas il a raté sa passe. TEEDDDDYYYY, t’as raté ta paaaaaasssseee ! — Hum. — Oulà, et puis là il était en retard, il s’est fait fumer par Nenê. Tu trouves pas que Nenê l’a fumé là ? TEEEDDDYYYYY, Nenê il t’a fuuuuuummééééé !

Résultat garanti. Le mec assis à côté de moi a passé une heure affreuse, à ne pas oser ouvrir la bouche, et encore moins soutenir son équipe… jusqu’à l’égalisation de Nolan Roux. Parce que là, après avoir encaissé une heure d’humiliations bien lourdes, une fois levé sur le but, mon voisin avait du mal à se faire passer pour Parisien.

Évidemment, dans ces cas-là, si Brest marque de nouveau, la fin de partie risque de se révéler un peu tendue. Sauf que cette année, comme le PSG a la bonne habitude de finir ses matches en inscrivant le but qui va bien, il y avait des chances que les choses se finissent bien. On pouvait donc passer à la phase 4 : l’étude sociologique. Le bon prétexte pour sortir tous les clichés possibles et imaginables.

Non mais c’est pas possible, il va se mettre à 9 mètres sur le coup franc Teddy Bertin ou pas ? Je me demande si Duhamel leur parle en français. Peut-être que comme ils sont Bretons, ils comprennent pas quand il leur demande en français de reculer ? Il comprend le français votre Teddy Bertin ? Ou alors vous avez payé l’arbitre. Ça s’est possible aussi. En poissons. Vous payez souvent en poissons ? Ils acceptent ça les arbitres ? En tous cas, avec ce terrain pourri, vous êtes vraiment avantagés. Enfin je veux dire, jouer sur un champ de patates, pour un Brestois c’est comme un Brésilien qui joue sur une plage, c’est trop facile. Je me demande quand même où tous les supporters ont pu garer leurs barques pour venir. Ça doit vous faire bizarre de voir toutes ces voitures. Vous en avez aussi des voitures chez vous ?

Le score aidant, je crois qu’à la fin le gars en avait marre. Mais je dois dire qu’il est resté poli jusqu’au bout. J’ai juste regretté que Giuly ne marque pas sur sa reprise de la tête. Ça, ça aurait vraiment été marrant. Mais bon, malgré tout, pas sûr que celui-là revienne au Parc. Toujours ça de pris.

Crédit illustration : jeanbrouillard.com