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Justice 1-2 Démagogie, match en cours
Les suites de l’affaire de la banderole
Qui de Delcourt, Martel, Escalettes ou Thiriez sera le plus démago ?
mercredi, 27 août 2008, par Gauthier B.

Pour la première fois dans l’affaire de la banderole, une autorité indépendante de la FFF a statué sur l’exclusion du PSG en coupe de la Ligue. Et pour la première fois, le jugement a été favorable au club parisien. Guy Delcourt, Jean-Pierre Escalettes, Frédéric Thiriez et Gervais Martel se sont logiquement exprimés après cette décision. Le moins que l’on puisse dire, c’est que leurs réactions ont manqué d’à propos…

Jeudi 14 août 2008, après de nombreux recours, et alors que d’autres vont suivre [1], un jugement — le premier qui soit favorable au Paris SG — a été délivré. Pour la première fois, un tribunal indépendant de toute instance sportive a été saisi de l’affaire. Il ne s’agit pas ici de rouvrir un débat concernant cette banderole — tout le monde est d’accord pour dire qu’elle n’aurait jamais dû être confectionnée et déployée. Et nous allons encore moins commenter cette décision de justice [2].

Notons simplement que cette décision, qui va à l’encontre de tout ce qui a été prôné par les (trop) nombreux intervenants sur cette affaire, a engendré son lot de commentaires outrés de la part des quatre fantastiques : Jean-Pierre Escalettes, président de la FFF, Frédéric Thiriez, président de la LFP, Guy Delcourt, maire de Lens, et Gervais Martel, président du RC Lens. En même temps, vues les réactions à l’époque des deux personnes les plus importantes de notre territoire (le président de la République et Dany Boon), on peut comprendre que nos quatre fanfarons tiennent le même cap qu’en avril dernier. Le seul hic pour eux, c’est que si à l’époque tout le monde les soutenait dans leur quête d’exemplarité et de lutte contre le hooliganisme le plus sauvage, aujourd’hui en revanche… tout le monde s’en moque. Ils doivent se sentir un peu seuls.

Toujours est-il que ces quatre réactions nous confrontent à des propos erronés, mais qui ne sont hélas que trop rarement contredits, l’essentiel de la presse se contentant de relayer les communiqués de presse ou d’hurler avec les loups… Et puisqu’il faut bien que quelqu’un s’y colle… Décryptage des réactions de la semaine passée.

Jean-Pierre Escalettes est en colère

« Je suis animé par un sentiment de colère ! », s’est emporté M. Escalettes, interrogé par l’AFP, avant d’ajouter : « Le conseil fédéral du 22 août décidera [de saisir ou non le Conseil d’État], mais le président [M. Escalettes parle ici de lui à la troisième personne] lui suggérera d’aller dans ce sens. »

« Je ne peux admettre que des agissements comme ça [la banderole anti-Ch’tis, à l’origine de l’exclusion du PSG restent impunis, a-t-il souligné. Il en va de notre crédibilité dans la lutte contre des agissements contraires à nos valeurs. »

Escalettes est en colère. On le serait à moins : il vient de se rendre compte que la décision prise initialement par ses instances est officiellement illégitime et que sa crédibilité en pâtira. Ensuite, il évoque ce qui revient inlassablement dans cette affaire : le fait de ne pas exclure le PSG de la coupe de la Ligue revient à ne pas le punir.

Soit le président de la FFF est un dangereux mythomane, soit il ne se renseigne pas (évidemment, nous ne pouvons envisager la deuxième possibilité). Cela n’ayant pas été précisé par tous les médias ayant relayé ses propos, il convient de le confirmer : l’association des Boulogne Boys, dont certains membres seraient impliqués dans la confection et le déploiement de la banderole, a été dissoute, et plusieurs personnes vont être jugées pour ces faits, après un déploiement inédit et démesuré de moyens policiers. Les coupables seront donc probablement — l’affaire suit son cours — punis par la justice. Comment peut-on décemment dire que l’acte reste impuni ?

D’autre part, il convient de rappeler que, l’exclusion de la compétition étant la sanction la plus grande parmi l’éventail de sanctions possibles, le CNOSF avait, quelques semaines avant ce verdict, fait une tentative de conciliation en estimant l’exclusion trop sévère, proposant de la transformer en match à huis-clos. Or cette conciliation a été refusée par la Fédération. C’est l’illustration du fait que ce qui gêne Escalettes n’est pas que l’acte soit impuni — d’autant que, rappelons-le à nouveau, ce n’est pas le cas —, mais bien que la sanction ne soit pas la plus spectaculaire médiatiquement.

Thiriez ne commente pas… mais un peu quand même

Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation — il est bon de le rappeler —, a également réagi :

Je n’ai pas pour habitude de commenter une décision de justice et je m’y tiens. Mais, plus que jamais, j’estime indispensable la création en France d’un véritable tribunal arbitral du sport qui serait à même de juger les litiges rapidement en tenant compte de la spécificité du sport. […] Les juridictions disciplinaires du football avaient estimé que, face à des dérives inquiétantes comme celle de la banderole « anti-ch’tis », une sanction exemplaire s’imposait. Le juge des référés a trouvé cette sanction trop sévère. Chacun aura son opinion, sachant que cette décision, rendue par un juge unique, sans aucune voie de recours utile, intervient cinq jours avant la reprise de la compétition.

Le président de la LFP précise d’emblée, très professionnellement, qu’il n’a pas l’habitude de commenter une décision de justice. Mais il va quand même le faire, puisqu’ensuite, il estime indispensable la création d’un tribunal du sport qui juge en tenant compte des spécificités du sport. Pour clarifier ses propos, la décision de justice prise ne lui convient pas. Donc il faudrait un tribunal pour le sport qui ne tienne pas compte des lois. Parce que les lois, elles sont trop contraignantes pour qu’on puisse prendre toutes les décisions farfelues qu’on aime bien prendre nous, à la LFP. Thiriez veut explicitement être au-dessus des lois. C’est une volonté très courageuse.

Et il pointe également un deuxième problème : Thiriez parle de tribunal lié au sport, mais en quoi cet incident est-il lié au sport ? Il ne s’agit pas d’un incident lié à la compétition, mais d’un incident lié à l’organisation d’un évènement sportif. Le but de l’enquête est de trouver les coupables, et de déterminer quels ont été les manquements. Pourquoi un tel incident devrait-il être jugé par un tribunal sportif ? A ce compte là, n’importe quel évènement se déroulant dans un stade devrait dépendre du tribunal sportif. Si un spectateur du Parc des Princes venait à étrangler son con de derrière, serait-il simplement exclu de la coupe de la Ligue au nom de la spécificité de la LFP ?

Guy Delcourt s’en prend à la LFP

La logique juridique sort vainqueur de cette affaire. Cela fera réfléchir les autorités sportives et du football en rappelant qu’il n’y a pas d’État dans l’État et qu’il y a des lois et des règlements. Quand on manque de courage, voilà ce qui arrive. Je suis déçu qu’on puisse blanchir une faute aussi importante que celle de ces supporters extrémistes.

A le lire, on pourrait croire qu’il est grave que la logique juridique triomphe. C’est un maire donc, qui découvre que les lois servent à être appliquées. Et qui trouve qu’il y a même matière à réfléchir… Son principal reproche, le manque de courage, est en fait une pique destinée à la LFP, qui ne l’a pas écouté en avril dernier, lorsqu’il demandait que la finale soit rejouée — pour, justifie-t-il aujourd’hui, ne pas reporter la sanction sur une autre période, ce qui serait la cause de la décision du tribunal administratif.

Enfin, Guy Delcourt nous livre lui aussi la même rengaine que ses compagnons d’indignation. Pour autant, il ne suffit pas de répéter les choses pour qu’elle deviennent justes : la faute n’a pas été blanchie, puisque les fautifs seront jugés.

Gervais Martel est : Cosette

Je m’attendais à cette décision. Mais je remarque que si Lens s’était comporté de la sorte, nous aurions été guillotinés sur place. Surtout, nous voyons avec cette affaire qu’il y a des gros, des moyens et des petits clubs. Certains clubs sont donc privilégiés par rapport à d’autres. Dans cette affaire, le PSG aurait mieux fait de raser les murs, d’accepter la décision. Mais bon, je n’en veux pas au PSG. C’est un club qui change de dirigeants comme il change de chemise. A la tête de ce club, ce ne sont plus les mêmes personnes qu’à l’époque de la finale de la coupe de la Ligue.

Gervais Martel remarque que si Lens s’était comporté de la sorte, ça serait moins bien passé. Il remarque. Mais comment fait-on pour remarquer quelque chose qui ne s’est pas déroulé ? Nous, nous remarquons que si Gervais Martel n’était pas à la tête du RC Lens, le club serait encore en Ligue 1. En fait nous n’en savons rien, mais vu que Gervais aime les remarques gratuites, nous lui en donnons… Cela dit, pour parler sérieusement, si, a priori, les Lensois ne se sont pas illustrés au travers de banderoles (mais personne ne les a toutes lues) – contrairement à leurs voisins lillois, pourtant Ch’tis eux aussi – il est connu que le meilleur public de France a à son passif certains comportements répréhensibles (du jet d’une bouteille sur un arbitre à Bollaert dans les années 1990 à Olmeta qui se fait cracher dessus par un supporter lensois, en passant par une lettre envoyée à Martel pour se plaindre du nombre d’Africains au club)…

Ensuite, fort de son nouveau statut de club de L2, Gervais Martel se considère comme un petit club, lésé dans l’histoire. C’est oublier que Lens a été pendant des années un des « gros » du championnat de France, avec un budget de fonctionnement, et des infrastructures, loin d’être anodins : 45 M€ de budget durant la saison écoulée… Croyez-vous vraiment que la complainte du petit poucet lésé face au géant parisien va tenir dans ce cas de figure ?

Gervais Martel poursuit ensuite et reproche au PSG de ne pas avoir rasé les murs. En somme, Martel reproche au PSG de s’être défendu, et de s’en remettre à la justice. Le club aurait dû tout accepter. Les insultes, les diffamations, et les comportements illégaux de la LFP. Sans broncher. Parce que, même s’ils ne sont pas jugés responsables, les Parisiens ont tort, vu que Dany Boon a dit le contraire. C’est ça, Gervais ?

Enfin, celui qui avait été arrêté en état d’ivresse et poursuivi pour outrage et rébellion il y a quelques années se fend d’un sarcasme contre le PSG. Exercice que tout le monde pratique, assez facile à exécuter. Un sarcasme sur le changement incessant de dirigeants ces dernières années. Il est vrai qu’à Lens, le président reste le même. Mais il y a bien que ça qui ne change pas : en moins d’une année, quatre entraîneurs ont été éprouvés (Gillot, Roux, Papin, Leclerq, en attendant Wallemme ?), les joueurs changent, parfois très vite (bonjour Kalou, au revoir Kalou). Et à Lens, on a même changé de division.

Crédit photo : la photo de Frédéric Thiriez a été prise par Malory Grancher

[1] Jean-Pierre Escalettes a annoncé son intention d’épuiser tous les recours possibles dans cette affaire.

[2] Bien que, contrairement à une légende urbaine, le fait de commenter une décision de justice n’est pas interdit — c’est le fait de « jeter le discrédit […] dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance » que l’article 434-25 du Code pénal prévoit de sanctionner