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Paris et Marseille se chamaillent

CNE : un peu d’éthique dans le football (5/7)

Le pouvoir étant centralisé à Paris, il y a sans doute anguille sous roche…

vendredi 20 mars 2009, par Vivien B.

CNE : un peu d'éthique dans le football (5/7)

Évoquez en province une quelconque décision impliquant le PSG et une instance de pouvoir — qu’il soit médiatique, politique ou footballistique —, vous entendrez rapidement parler de la protection dont bénéficierait le club de la capitale (cf. Nicolas Dieuze en mai dernier). En matière de sanctions disciplinaires prononcées par la LFP ou la FFF, c’est pourtant souvent le contraire : le Paris SG sert de laboratoire de sanctions. Les tirages de maillot dans la surface ? Seul Mario Yépès est sanctionné. Les simulations ? Seul Fabrice Fiorèse. Les démêlés des entraîneurs avec les arbitres ? Luis Fernandez. Les exemples foisonnent, nous en avons choisi quelques uns.

Le conseil national de l’éthique tente de faire sa place, mais il a du mal. Il aura tout de même réussi à porter l’attention sur deux affaires majeures : Fabrice Fiorèse et PSG-OM.

PSG-OM : sanctions hasardeuses du CNE

Mais le CNE ne s’est pas illustré seulement avec le cas Fiorèse. Son deuxième fait d’armes remonte à la saison 2005/2006. Il ne s’agit pas des odeurs d’ammoniaque qui résidaient dans le vestiaire parisien au stade Vélodrome en octobre 2005, mais de la venue des Marseillais à Paris le 5 mars 2006. Suite à un conflit entre les dirigeants des deux clubs concernant le nombre de places attribuées aux supporters de l’OM, le Paris SG accueille une équipe de jeunes Marseillais au Parc des Princes.

L’histoire est la suivante : en vertu d’un gentleman agreement en vigueur depuis plusieurs saisons, le PSG et l’OM s’entendent sur un contingent d’un millier de places en tribune F, qui a récemment fait l’objet de travaux de sécurité avec notamment la mise en place d’une cage entre les tribunes bleues et la tribune rouge pour protéger cette dernière des jets de projectiles. L’objectif étant, bien sûr, de vendre des billets en F bleu à des supporters parisiens tout en garantissant la sécurité des supporters adverses. Mais Pape Diouf demande finalement 2 000 places, arguant que cela correspond au quota prévu par le règlement de la LFP. Les dirigeants parisiens opposent d’abord une fin de non recevoir, avant de débloquer les places demandées en deux temps. Mais pendant ce temps, le président de l’OM travaille sa popularité auprès des supporters marseillais et fixe un ultimatum aux Parisiens. Lorsque ceux-ci répondent à ses exigences, Pape Diouf estime qu’il est trop tard, et s’accorde avec ses interlocuteurs pour refuser le déplacement des supporters et des joueurs de l’équipe première en évoquant des problèmes de sécurité sans aucun fondement, mais qui trouvent écho dans l’image qui colle au PSG. L’entraîneur marseillais n’aura pourtant pas besoin d’une escorte de gardes du corps du GIPN sur son banc de touche, comme ce fut le cas de Luis Fernandez trois ans auparavant… Les Minots accrochent ce qu’ils sont venus chercher, un pitoyable match nul 0-0, ce qui réjouit les aficionados marseillais (sic) mais provoque l’ire du diffuseur, Canal+.

Dans le livre PSG/OM, les meilleurs ennemis, les auteurs avancent une explication bien précise à la décision de Pape Diouf :

N’ayant apparemment pas obtenu un quota de places (supposées) destinées à la revente, il semblerait que certaines associations marseillaises aient menacé de venir à Paris sans billet. Un proche du dossier est clair sur ce point : «  Le nœud du problème, c’est le marché noir des supporters de l’OM, tout le monde le sait ! » C’est donc de la sécurité des éventuels supporters sans billet que Pape Diouf aurait dû parler, et non de celle du stade, qui répondait aux normes de la LFP. […] José Anigo reconnaît que la pression des supporters a pesé lourd dans la décision du club : «  Peut-être que si les supporters ne demandent rien, on vient sans rien dire. Mais on doit répondre à leurs attentes. Je ne vois pas où est le problème. On doit les écouter, ce sont des partenaires, non ? Et faire bonne figure devant eux est important. »

Saisi par la LFP, le CNE juge que le comportement des deux clubs dans cette affaire a « gravement porté atteinte à l’image du football » et décide en conséquence, début avril, le retrait du point du match nul obtenu par chacune des deux équipes, la suspension pour trois mois ferme de toute fonction officielle des présidents des deux clubs et l’obligation pour les deux clubs de conclure un protocole d’accord qui devra être soumis au CNE avant le 30 juin 2006, au risque de voir prononcé le huis clos sur les matches de championnat de L1 entre les deux clubs. Une sanction parfaitement hasardeuse — que se serait-il passé si un club l’avait emporté ? — et qui prend grand soin d’être identique pour les deux clubs, afin d’éviter toute accusation de parisianisme.

Avant de saisir le CNE, Frédéric Thiriez avait pourtant soutenu publiquement le PSG à de multiples reprises pour inciter Diouf à revenir sur sa menace, allant jusqu’à publier un communiqué sur le site officiel de la LFP le 3 mars :

À la suite des différentes déclarations intervenues ce jour concernant les conditions de sécurité du match PSG-OM du 5 mars 2006, la Ligue de football professionnel tient à apporter les précisions suivantes :
- La préparation de cette rencontre a donné lieu à un travail préalable important associant les services de la préfecture de police, les représentants des deux clubs et les services de la Ligue, qui a abouti notamment à la fixation du match au dimanche 5 mars à 17 heures au lieu de 21 heures.
- Tous les aspects concernant aussi bien la sécurité à l’extérieur du stade que dans l’enceinte sportive ont fait l’objet d’un examen approfondi avec les services de la préfecture de police.
- La LFP observe que le représentant de l’OM n’a émis aucune observation quant aux mesures qui ont été prises pour le placement des supporters du club et leur sécurité.
- La LFP, qui était intervenue en ce sens, observe également que les demandes tardives de places supplémentaires faites par l’OM viennent d’être largement honorées par le PSG.
Pour la LFP, le PSG avait donc raison le 3 mars, mais tort le 5 mars… À cette sanction symétrique entre le PSG et l’OM fait écho à une sanction qui a frappé le PSG au printemps 1994. Voici ce qu’en dit le livre PSG/OM, les meilleurs ennemis :

Quelques mois après ce fol été 1993, l’affaire VA-OM aura une nouvelle conséquence sur la vie du PSG. Le 22 avril 1994, la DNCG rétrograde l’OM en D2. Cette décision significative va logiquement conduire la LNF à se montrer intransigeante avec tous les clubs. Un mois plus tard, le Paris Saint-Germain est interdit de recrutement pour la saison à venir. Le problème financier du club parisien a beau être réglé en quinze jours, le PSG doit dégresser avant de recruter. La sanction pénalisera le club en vue, notamment, de la Ligue des Champions. En 1999, Noël le Graët [le président de la LNF à l’époque] est revenu sur cet épisode dans un entretien à L’Équipe Magazine.

Cette décision a surpris, et pour le moins contrarié, les dirigeants du PSG. […] Je l’avoue, la décision était exagérée, mais le PSG, de par la position de son actionnaire principal Canal+, partenaire privilégié du football français, se devait d’être encore plus irréprochable que les autres. La rétrogradation de l’OM peut paraître bien plus importante que cette interdiction, mais, avec le recul, c’était primordial, symboliquement, à ce moment précis, d’interdire le PSG de recrutement.
Doit-on associer le côté symbolique de la sanction à une forme de compensation ?

Le PSG, l’OM et le conseil fédéral de la FFF ayant fait appel de cette décision, la commission supérieure d’appel (CSA) se saisit du dossier le 19 avril 2006. Les attendus de sa décision sont particulièrement instructifs. Le CNE a d’emblée droit à une leçon de droit :

[…] Sans qu’il soit nécessaire de reprendre point par point les critiques émises par les deux clubs appelants sur le déroulement de la procédure diligentée par le conseil national de l’éthique, il convient de rappeler que le principe d’un débat contradictoire est de règle afin de permettre aux membres composant un organe collégial de pouvoir apprécier, en fonction des témoignages, quels sont les divers degrés de responsabilité. […] Il était essentiel que le président de la LFP soit auditionné en la présence des représentants des deux clubs lorsque le CNE examinait la responsabilité de leurs dirigeants. […] En n’assurant pas un débat contradictoire sur l’exposé relatif au déroulement des faits, opéré par le président de la LFP, le CNE n’a pas respecté le principe du contradictoire vis-à-vis des dirigeants des deux clubs poursuivis et a pu, par là même, vicié la régularité de la procédure. […] Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler la décision adoptée par le CNE et de reprendre l’ensemble du dossier dans le cadre d’un débat contradictoire en vertu de l’effet dévolutif de l’appel.

Après ce camouflet, le CNE a publie un communiqué de presse qui laisse songeur [1] :

Le CNE a pris connaissance avec surprise et déception des attendus ayant justifié les décisions de la commission supérieure d’appel de la FFF et du CNOSF à l’égard de l’OM et du PSG. Après avoir évoqué les raisons qui ont amené l’Assemblée fédérale de juillet 2005 à lui accorder un pouvoir disciplinaire, le Conseil considère que, compte tenu de la spécificité de l’éthique, les sanctions qu’il est amené à prendre ne peuvent pas forcément coïncider avec les usages en vigueur, mais doivent avant tout avoir une valeur d’exemple afin de servir l’intérêt supérieur du football.

Après l’exercice du pouvoir disciplinaire pendant une saison, le CNE, afin d’aborder la saison 2006/2007 sur de nouvelles bases, demande l’organisation d’une table ronde reprécisant :
- ses domaines de compétences,
- la procédure,
- et éventuellement sa composition.

Si les dirigeants des deux clubs sont reconnus coupables de manquement à l’éthique — et accusés de n’avoir « pas aidé, par leur comportement, à atténuer l’image désastreuse qu’ils donnaient du football en participant activement à alimenter la campagne de presse qui a accompagné cet épisode » —, la CSA n’a pas sanctionné sportivement les deux équipes. Les explications figurent également dans les attendus :

Les responsabilités diverses des dirigeants des clubs telles que retenues ci-avant n’ont pas eu d’incidence sur le déroulement de la rencontre et, dans ces conditions, il n’y a pas lieu, comme l’a fait le CNE, de retirer aux deux clubs le point résultant du bénéfice du score de parité. En effet qu’il est un principe constant selon lequel le résultat acquis sur le terrain ne peut être remis en cause dès lors que les règlements de la compétition n’ont pas été violés et qu’aucun élément n’est venu modifier le déroulement normal du match.
Un « principe constant » qui sera interprété différemment par cette même commission lorsqu’il s’agira de sanctionner sportivement le PSG suite au déploiement dans les tribunes d’une banderole… Nous y reviendrons.

Les seules sanctions retenues concernent donc Diouf, Blayau et Meaudre, suspendus pour trois mois de toute fonction officielle, notamment du pouvoir de représentation de leur club vis-à-vis des instances du football ainsi que l’interdiction d’accès au terrain, au banc de touche et au vestiaire d’arbitres. Les raisons avancées pour chacun de ces dirigeants sont savoureuses :

Leur responsabilité respective est pleinement engagée :
- M. Jean-François Meaudre en sa qualité de président du Directoire, qui devait gérer cette crise en contact permanent avec son homologue de l’OM,
- M. Pierre Blayau, président du Conseil de surveillance, enregistré auprès de la LFP comme disposant au sein du club des prérogatives les plus étendues dans la gestion quotidienne du club au même titre que M. Jean-François Meaudre,
- M. Pape Diouf en adoptant des positions successives contradictoires, voire intimidantes, lorsqu’il a expressément menacé de ne pas disputer la rencontre, et en décidant finalement de ne pas aligner l’équipe fanion de l’OM, décision qui n’avait aucun rapport avec le litige portant sur les places attribuées à ces supporters.
Par ailleurs, la CSA relève qu’« en faisant des déclarations aussi inutiles que déplacées à la presse postérieurement à la rencontre, José Anigo n’a pas eu une attitude digne d’un éducateur qui doit toujours avoir une attitude empreinte de recul et un discours mesuré ». Il n’a toutefois pas été sanctionné.

Ces sanctions seront finalement suspendues par le CNOSF en avril 2006, lors d’une conciliation.

L’affaire vue par la commission supérieure d’appel

Sur le fond, les attendus de la décision de la CSA sont tout aussi instructifs :

Il ressort des éléments du dossier que, depuis la saison 2000/2001, à l’occasion des rencontres les opposant, les clubs appliquent de manière réciproque une affectation de places réservées aux supporters visiteurs sur la base d’un quota de 1 000 places. Ces faits n’étant contredits par aucune partie, il s’agit d’une pratique résultant de la volonté commune des deux clubs de limiter raisonnablement le nombre de supporters visiteurs et ce, en raison des graves problèmes de sécurité que ces déplacements posent à l’organisation de la rencontre.

[…] À la suite d’une première commande ferme de 1 000 places, M. Guy Cazadamont a formalisé au nom de l’OM une demande de 500 places supplémentaires, transmise au PSG, le 27/02 à 0h40. Cette demande a essuyé un refus formalisé le jour même par M. Jean-Philippe D’Hallivillée, prétextant le caractère tardif de la demande et les ventes de billets déjà effectuées. À partir de cet échange, la succession des demandes de l’OM, d’une part, et des réponses du PSG, d’autre part, manquent particulièrement de cohérence ; en effet :
- le 1er mars, M. Jean-François Meaudre, président du directoire du PSG, confirme à la LFP que le PSG peut débloquer 150 places supplémentaires,
- le même jour, à l’occasion de la réunion de préparation de la rencontre à la Préfecture de Paris, le représentant de l’OM ne mentionne à aucun moment la difficulté concernant le déplacement de ses supporters et leur nombre qui dépend des places attribuées par le PSG,
- le 2 mars, M. Pape Diouf menace de déclarer forfait pour la rencontre en raison des risques que constitue la présence de spectateurs en tribune haute au dessus de ses supporters, néanmoins il demande à la LFP 150 places supplémentaires aux 150 débloquées la veille par le PSG,
- le 3 mars, M. Jean-François Meaudre indique à la LFP que les 150 places supplémentaires sont débloquées, portant à 1 300 le nombre total de places attribuées aux supporters marseillais,
- le même jour, vers 17h00, M. Pape Diouf indique à la LFP qu’il est trop tard et que la décision est prise avec les associations de supporters qu’aucun supporter marseillais ne se rendra au Parc des Princes,
- le 4 mars, malgré la confirmation des représentants des forces de l’ordre que tout a été organisé pour assurer la sécurité des supporters de l’OM, M. Pape Diouf ne revient pas sur l’absence de déplacement de supporters et décide de ne pas aligner son équipe fanion.

[…] Le PSG a opposé le 27 février 2006 une fin de non recevoir à l’OM concernant la demande de places supplémentaires, prétextant la vente des places non utilisées par l’OM, alors que dans les jours suivants, à deux reprises, le PSG a débloqué des contingents de places supplémentaires. En se reposant sur le quota de 1 000 places instauré par les deux clubs, le PSG s’est soustrait au dispositif fixé par l’article 354 du règlement des compétitions de la LFP et n’a pas, dès le 27 février 2006, mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution à la demande formulée par l’OM qui était conforme aux règlements.

L’OM a eu un comportement manquant de cohérence dans la succession de ses demandes ; le PSG a été mis en difficulté après une demande initiale de 1 000 places, une seconde demande ayant été formulée sans aucune motivation particulière alors qu’il est particulièrement évident que la préparation de cette rencontre devait se faire de manière cohérente au regard de l’implication prépondérante des forces de l’ordre. L’OM a d’abord formulé des demandes de places supplémentaires après sa demande initiale ; ensuite c’est la sécurité de ses supporters qui a été invoquée, les dirigeants menaçant de ne pas jouer le match si sa demande de places supplémentaires n’était pas acceptée ; ainsi le club a choisi d’entrer dans un rapport de force menaçant le déroulement même de la rencontre.

Signalons par ailleurs que, suite à cette affaire, le Conseil d’administration de la LFP impose désormais dans ses règlement que les demandes de places formulées par le club visiteur soient formalisées au plus tard 7 jours avant la rencontre. Les places initialement réservées dans le quota du club visiteur mais non réclamées par ce dernier seront laissées à la disposition du club recevant en vue de leur commercialisation.

Notes

[1] Notons que Frédéric Thiriez, la commission de discipline de la LFP et la commission supérieure d’appel de la FFF utiliseront à leur tour cet argument fallacieux en regrettant les décisions du Conseil d’État dans l’affaire de la banderole, appelant à créer un Tribunal administratif du sport pour « tenir compte de la spécificité du sport ».

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