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Analyse des articles de Libération et Le 10 Sport

Pourquoi il faut virer Le Guen ! (1/2)

Deux défaites, et le coach parisien peut reprendre le rôle du bouc émissaire

mardi 4 novembre 2008, par Arno P-E

Pourquoi il faut virer Le Guen ! (1/2)

Que L’Équipe ou le Parisien s’adonnent à leur sport préféré, le tir à vue sur entraîneur parisien, plus personne ne hausse le sourcil. Après tout, chacun ses petits plaisirs. Mais là, de la part de Libération et Le 10 Sport, un quotidien sérieux et un petit nouveau, on pourrait attendre un peu de retenue, après une simple défaite à Nice. Eh bien non, les lecteurs ont droit à deux articles pointant du doigt le coach du PSG. Et maladroitement en plus… Comme quoi, quand on sait pas faire, vaudrait mieux se taire.

Paris ne devrait jamais quitter son rôle : celui d’amuseur public préféré de la presse française. Une victoire à Marseille, et c’est l’ensemble de la profession qui, en perte totale de repères verse dans le dithyrambique. Sauf que pour des professionnels non aguerris, complimenter le club de la Capitale exige bien des efforts. Comment il s’appelle ce buteur déjà ? Hoarau ? Heureusement, une semaine plus tard, le PSG avait enfin renoué avec la défaite. Ouf, les journalistes les moins au fait de leur sujet allaient enfin pouvoir recommencer à accuser l’entraîneur parisien. Paul Le qui, déjà ?

Libération ment, Libération ment…

Commençons avec l’article du quotidien de Laurent Joffrin. Pour ceux qui ne le sauraient pas, attention, Libération est un journal sérieux. Dès le titre, le lecteur doit donc prendre l’exacte mesure de l’article : quand on lit un quotidien fondé par Jean-Paul Sartre, il faut que cela se voit à la première ligne !

Le Guen a perdu son Paris

Analyse — Foot. Le club de la capitale s’est incliné 1-0 à Nice samedi.

Jeu de mot ! D’entrée, Grégory Schneider, l’auteur du papier, nous sort le jeu de mot ! Parce qu’à Libération on fait de l’humour. Mais de l’humour dans la gravité, car avant tout, on est pince-sans-rire. En effet, un titre qui aurait prêté à sourire dans L’Équipe doit ici être pris avec déférence. Car attention, ce n’est pas n’importe quoi : en toute modestie, c’est une « analyse de foot ». Et là, respect.

Grégory Schneider, il ne donne pas dans la blague potache, il analyse ! Enfin il le dit… Après cela reste une question de point de vue. Car qui se penche sur son texte voit plus une maladroite entreprise de bourrage de crâne qu’une étude objective. Commençons par noter les expressions utilisées par le journaliste de Libé.

Paul Le Guen, a expliqué qu’il a éprouvé le besoin de rentrer dans le chou de ses hommes […]

Que Le Guen mette une ronflée à ses joueurs […]

[…] une formation toulousaine qui, quoi qu’on raconte, ne casse pas trois pattes à un canard […]

Vu depuis le Camps de Loges (sic), où les joueurs de Paris crapahutent en semaine, c’est pire. […]

Des « équipes de Coupe », la Ligue 1 en recèle des wagons […]

Le principe même de la démagogie, c’est d’adopter un ton populiste. Donc Le Guen rentre dans le chou et met des ronflées, Toulouse ne casse pas trois pattes à un canard, etc. Les expressions sont issues du langage commun, on est presque dans le registre du français parlé. Grégory Schneider, où quand l’analyse journalistique donne dans le propos de coin de comptoir.

Passons ensuite aux modalisateurs : ces petites tournures de phrases qui, mine de rien influencent le lecteur.

Quelques minutes après la défaite (0-1) de samedi — la 5e de la saison en 12 journées — ramassée au stade du Ray à Nice […]

Paul Le Guen […] : « […] Les gars manquaient d’engagement, de détermination dans les prises de balle. Je leur ai d’abord fait savoir dans le vestiaire, puis à travers les remplacements [où Clément Chantôme et Guillaume Hoarau ont été sacrifiés, ndlr].

[…] Vu depuis le Camps de Loges, où les joueurs de Paris crapahutent en semaine, c’est pire. […]

Pour le journaliste, le PSG ne perd pas, la défaite est ramassée. Mais se ramasser a une toute autre portée que perdre, la connotation est très négative. Hasard ou coïncidence dans le choix de ce mot ?

De même, Chantôme et Hoarau ne sont pas sortis par l’entraîneur à la mi-temps, ils sont sacrifiés. Pourquoi choisir un terme qui soit à la fois violent, mais surtout qui illustre une volonté cruelle de nuire de la part de Le Guen ? Un sacrifice, d’après le Petit Robert c’est une offrande rituelle à la divinité, caractérisée par la destruction (réelle ou symbolique) de la chose offerte. Voilà qui n’est guère valorisant pour le coach du PSG…

Quant au crapahutage, là encore l’acceptation est péjorative : c’est un entraînement militaire, répétitif, physiquement abrutissant. Pourquoi un journaliste utilise-t-il une telle expression, qui n’a rien de neutre ?

Un professionnel de l’écriture peut-il parsemer son écrit d’image simplistes, puis de modalisateurs tous péjoratifs, sans s’en rendre compte ? On n’est plus très loin d’un texte de propagande. Volontaire ou inconsciente, difficile à dire, mais quoi qu’il en soit tous les ingrédients sont présents, au fil de l’article. Pas sûr que ce soit ce dont Sartre rêvait en 1973, lors de la création de Libération

Le PSG est au mieux une équipe moyenne qui, à ce titre, peut mobiliser l’essentiel de ses moyens sur un objectif ponctuel et prestigieux, du style « déplacement à Marseille » — le milieu du foot a une étiquette toute prête pour ces formations-là, on dit d’elles que ce sont des « équipes de Coupe ». […] Des « équipes de Coupe », la Ligue 1 en recèle des wagons : Auxerre, Lorient, Monaco, Nancy, Nice, Toulouse, peut-être même Saint-Étienne.

Bon, en fait une équipe de coupes est tout simplement un club qui remporte… des coupes — sinon on parle d’équipe de coups… —, mais puisque la liste établie par Grégory Schneider n’a aucun sens si l’on se réfère aux résultats actuels en championnat des équipes citées [1], tentons de comprendre sa logique et observons les performances de ces clubs en coupes. Sur ces cinq dernières saisons, les équipes de coupes que sont, d’après l’auteur de l’article, Nice, Toulouse, et Saint-Étienne n’ont par exemple remporté… aucune coupe. Quant aux autres, ils font pâle figure aux côtés du PSG, seul club à avoir remporté trois coupes en cinq ans (2 coupes de France et 1 coupe de la Ligue). Le club de la Capitale qui détient d’ailleurs — mais ne le dites pas trop fort, il paraît que le PSG ne gagne jamais rien — le palmarès le plus important en France derrière Lyon, que ce soit sur les 5 ou même les 15 dernières saisons ! [2]

Ne pas confondre analyse de fond, et fin fond de l’analyse

Passons maintenant au fond de l’article : où comment Grégory Schneider explique le fait que si Paris gagne à Marseille, quand par la suite il perd, ce n’est que par la très grande faute de son entraîneur.

[…] le coach finistérien connaît parfaitement les tenants et aboutissants du match de samedi. Le PSG est au mieux une équipe moyenne qui, à ce titre, peut mobiliser l’essentiel de ses moyens sur un objectif ponctuel et prestigieux, du style « déplacement à Marseille »

Le coach sait. Il sait que le PSG est une équipe moyenne. Mais savoir et ne rien changer, en un sens c’est déjà être un peu responsable, n’est-ce pas ? En tout cas c’est ce que suggère l’enchaînement logique de Grégory Schneider… Mais au fond, à qui la faute ? À celui qui effectivement sait bien que l’effectif est trop juste, ou plutôt à celui qui a choisi de ne recruter ni Briand, ni un défenseur central, deux profils qui manquent cruellement au club de la Capitale aujourd’hui ?

Et les joueurs ? Même un journaliste de Libération doit savoir que ce sont eux qui disputent les rencontres. Quand l’auteur de l’article les place-t-il devant leurs responsabilités ? Car après tout, s’ils perdent, ils y sont peut-être en partie pour quelque chose. Eh bien pour Grégory Schneider, ces joueurs parisiens, ils ne sont pas aidés…

Le PSG prend peu de buts : moins de un par match en moyenne. En revanche, il est l’une des pires équipes de L1 pour ce qui est de la tenue du ballon : ça démontre les carences techniques. Ça dit surtout que rien n’est facile, que rien ne va de soi sur le terrain et que les Jérôme Rothen et consorts sont contraints de se mettre dans des dispositions psychologiques extrêmes pour gagner les matchs, fût-ce contre des formations de deuxième ordre.

Et voilà. Quand les Parisiens gagnent contre Marseille, c’est délirant, n’en parlons même plus, et pour l’emporter face aux autres équipes de L1, les pauvres forçats de Le Guen sont obligés de se mettre dans des dispositions psychologiques extrêmes. Rien que ça : vous noterez combien le journaliste-de-journal-sérieux sait se montrer mesuré dans ses propos. Tout ça pour battre des équipes de seconde zone. Les Bordelais apprécieront la dédicace.

En revanche, pas question d’accorder à l’entraîneur du PSG un quelconque mérite dans ces victoires. Pour réussir à gagner malgré lui, il a déjà fallu que Rothen et consorts se subliment, alors vous pensez. D’ailleurs, vous noterez que même si Paris a toujours été nul, depuis que le Breton est là, c’est pire encore…

depuis 2005, le club de la capitale en a terminé deux fois à la 9e place, une fois à la 15e et une fois à la 16e ; ces deux derniers classements étant décrochés sous la mandature Le Guen.

Grégory Schneider préfère passer sous silence le fait que Le Guen ne soit arrivé qu’une fois la situation du PSG très compromise lors de la saison 2006/2007. Rappelons en effet que l’actuel entraîneur parisien a sauvé de la relégation une équipe que son prédécesseur, Guy Lacombe, lui avait laissée exsangue, la moitié de la saison déjà révolue. Sans doute le journaliste choisit-il de taire ces détails à porter au crédit de Le Guen pour éviter d’embrouiller les lecteurs de Libération ?

Il ne reste plus dans cet article que la cerise sur le gâteau.

Les joueurs ne le cachent pas : Paris est à sa place. Qui veut le voir ? Pas Le Guen, bien sûr, mais son boulot consiste à ne pas admettre les limites ontologiques de son groupe.

Alors certes, au début même de cette partie, nous notions que Grégory Schneider écrivait que «  le coach finistérien connaît parfaitement les tenants et aboutissants du match de samedi. Le PSG est au mieux une équipe moyenne… », pour finalement déclarer quelques lignes plus bas « Paris est à sa place. Qui veut le voir ? Pas Le Guen, bien sûr  ». Oui, c’est incohérent… Oui, le journaliste de Libération a écrit l’exact contraire de ce qu’il avançait auparavant, et les deux fois il se débrouille pour en faire le reproche au coach du Paris Saint-Germain. Mais quelle importance ? Quelle importance quand cela permet de placer ontologique dans un article sur le football ?

Parce qu’il ne faudrait pas oublier à qui on a affaire : ici c’est Libé, attention ! On parle ballon rond, certes, on balance du mettre une ronflée, ou se ramasser… mais en terminant sur la métaphysique. Et si ça ce n’est pas la classe, si ça n’est pas du vrai, du grand journalisme de sport, à opposer au journalisme sportif…

Tout de même, « ontologique » : ça force le respect ! Quel dommage qu’en plus d’être incohérente et contradictoire avec ce qui la précède, cette magnifique restitution organisée de connaissances doive être ternie par l’affirmation qui la suit. Avant d’écrire que Villeneuve est en désaccord avec son entraîneur, et que les oreilles de ce dernier doivent siffler, sans doute Grégory Schneider aurait-il dû lire l’interview publiée par ses confrères du journal le Parisien :

Avec Paul, nous sommes en parfaite osmose. Il n’y a pas l’ombre d’un cheveu qui nous sépare. […] Quand on cherche à m’opposer à Paul Le Guen, on se trompe totalement. Notre entente est parfaite. Nous échangeons tellement tous les deux. Je parle football avec lui mais aussi histoire et politique.

Mais bon, on ne peut pas non plus tout savoir. Entre omniscience et ontologie, il fallait choisir.

Comme quoi, quand on se fie à un quotidien sérieux, cela change tout de suite la donne. À un ou deux petits détails près. La mauvaise foi, la manipulation, le manque total d’analyse sérieuse, et surtout…

Voilà une figure de style que les entraîneurs de Ligue 1 maîtrise bien : la fausse question […]

Ah… Si seulement les journalistes de Libération savaient conjuguer les verbes du premier groupe, au présent de l’indicatif. Ca ferait tout de suite plus crédible.

P.-S.

Demain, découvrez l’analyse de l’article du mystérieux A.B., journaliste au quotidien Le 10 Sport, intitulé : L’avenir s’assombrit pour Le Guen . Où quand les périodes de vigilance météo rattrapent le club de la Capitale.

Notes

[1] Les clubs cités sont respectivement 12e, 14e, 13e, 15e, 7e, 4e et 17e après la douzième journée. Un ensemble très homogène, donc.

[2] 1 coupe d’Europe, 1 championnat de France, 4 coupes de France et 3 coupes de la Ligue.

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